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Depuis plusieurs années en Normandie, les haies rencontrent un engouement croissant : de nombreux chantiers de plantation voient le jour et les haies existantes suscitent l’intérêt de certains agriculteurs souhaitant les valoriser. Cet été plus encore que les autres années, avec ses sécheresses et ses fortes chaleurs, les haies ont joué un rôle important dans de nombreux systèmes pâturants. Grâce à elles, les animaux ont continué à sortir dans les prairies, l’ombrage des arbres rendant possible le pâturage. De nombreuses questions subsistent, auxquelles cet article tente de répondre en partie en s’appuyant sur les formations suivies par plusieurs groupes d’agriculteurs sur le territoire.

 

Les haies : un retour en arrière ?

Au début du XXème siècle, on retrouve une grande diversité d’arbres dans les campagnes : arbres champêtres, prés plantés, arbres fruitiers de haute-tige : châtaigniers, noyers, mûriers, pommiers, poiriers… mais aussi chênes truffiers ou chênes lièges. Ainsi, en 1950, on peut observer des systèmes agroforestiers. Les plantations intraparcellaires concernaient alors majoritairement les parcelles cultivées, et moins les prairies pâturées. Finalement, l'agroforesterie n'est pas nouvelle, on réinvente l'eau chaude !

 

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Mais pourquoi implanter des haies ?

De multiples raisons poussent les agriculteurs à réimplanter des haies sur leur parcellaire :

> Certains souhaitent ériger une haie brise-vent, pour protéger les animaux et/ou les cultures.

> D’autres y voient un intérêt agronomique pour les prairies alentours, les haies restituant azote et matière organique à l’herbe. Cette dernière peut moins pousser aux abords directs de la haie mais se rattraper et pousser de manière plus importante sur la vingtaine de mètres autour.

> Les haies peuvent également servir de fourrage aux animaux, en période de sécheresse comme cet été mais aussi le reste du temps.

> En multipliant les strates végétales, elles augmentent la diversité des habitats, et donc la diversité des espèces et des fonctions écologiques. Or les systèmes agricoles, comme les écosystèmes naturels, sont dépendants d’une biodiversité minimale afin d’optimiser la production et d’assurer leur pérennité face aux perturbations (maladies, espèces invasives, stress physiologiques…). Ce constat est d’autant plus valable dans un contexte de changement climatique avéré, où les extrêmes s’accentuent.

> D’autres agriculteurs encore cultivent des haies pour le bois : bois énergie (exemple : bois pour alimenter des chaudières), bois d’œuvre, bois pour le paillage ou la litière.

 

Quel itinéraire technique de plantation ?

Etape 1 : travail du sol et désherbage

Le décompactage (dents de sous-solage ou mini-pelle) est une étape très importante pour favoriser l’enracinement et la reprise. Plus le plant est petit, plus le travail du sol doit être fin.

Le désherbage (herse rotative) est également une étape essentielle pour limiter la concurrence de l’herbe, sa principale ennemie (et plus particulièrement la graminée), durant la vie du jeune arbre.

 

Etape 2 : plantation

Quels plants utiliser ?

  • De jeunes plants: 1 ou 2 ans (40 ou 60 cm). Ils sont faciles à installer, peu couteux et ils ont une reprise rapide.
  • De préférence des plants locaux

D’où viennent les plants qu’on trouve dans le commerce ? Laurent Nevoux expliquait aux agriculteurs qu’en France, il ne reste qu'un seul fournisseur connu pour les arbres de haut jet. Pour les buissonnants, il reste 4 fournisseurs d’Europe de l’Est. On replante donc des arbres qui ont la même génétique depuis 20 ans, à l’origine d’une importante perte de diversité.

Quelles alternatives s’offrent à nous ? L’idéal est de récupérer des arbres qui viennent directement de la ferme. Possibilité également de prendre des pousses d’arbres en lisière de forêt. Lors d’une formation CIVAM avec la SCIC Bois Bocage Energie à l’hiver dernier, un agriculteur a également suggéré d’utiliser des repousses d’arbres situées proches des gouttières.

Enfin, la marque Végétal Local propose des plants plus locaux en récoltant des graines, les plus diversifiées possibles, pour les pépinières.

  • Des plants frais: en replantant l’arbre très peu de temps après son arrachage, la reprise sera meilleure. Pour cela il vaut mieux commander les plants à l’avance pour être sûr de les avoir au moment du chantier de plantation.

Astuce : sur certains secteurs, il est possible de bénéficier d’aides à la replantation de haies qui peuvent prendre en charge une partie des frais engagés (achat des plants, aides à l’implantation, achat du matériel et paillage…). Certaines communautés de communes et Parcs peuvent le permettre, donc n’hésitez pas à vous renseigner sur ce qu’il se fait au niveau local.

 

Comment organiser le chantier de plantation ?

Au moment de la plantation, une équipe s’occupe de la plantation des arbres de haut jet avec une séquence à définir en amont (tous les 10, 15 ou 20 mètres). Une autre équipe peut s’occuper des essences intermédiaires (tous les 2 à 3 mètres), et une autre des ports buissonnants (entre les autres arbres). Laisser 1,5 à 2m entre les arbres pour leur laisser la place de se développer. Suivant la taille des arbres, on peut augmenter l’espacement.

Astuce : Pour que la terre colle au système racinaire, donner un « coup de talon » une fois le plant mis en terre. 

L’arrosage après la plantation est nécessaire pour assurer un bon contact entre la terre et les racines. Il est également possible de planter juste avant la pluie. Laurent Nevoux (formateur à la SCIC B²E) indique qu’il peut être nécessaire de protéger les arbres de haut jet avec un grillage englobant.

 

Et après la plantation, comment entretenir sa haie ?

Dans les premières années, former sa haie

La « taille de formation » se réalise dès le démarrage, elle permet d’orienter les jeunes arbres en croissance. Durant les premières années, il peut être nécessaire de dégager le pied de la haie pour permettre aux arbres de se développer correctement. Astuce : un tuyau de drainage autour de l’arbre peut être utile pour repérer et ne pas abîmer les jeunes individus !

 

Et après ? Quelles sont les pratiques de gestion de la haie ?

Lors de la formation du groupe CIVAM du Mortainais (sud-Manche) avec la SCIC Bois Bocage Energie cet hiver, le groupe a pu prendre connaissance des pratiques adaptées à la fois au développement de la biodiversité et de la valeur économique de la haie.

  • Utiliser plutôt des outils à main comme la tronçonneuse, la scie à main… outils qui permettent de tailler correctement les arbres.
  • Donner de l’espace à sa haie : 1,5m (1m mini) de chaque côté de la haie est l’idéal car cela permet d’avoir une bande enherbée de différentes strates, permettant d’abriter nombre d’insectes et de petits mammifères ; on l’appelle la « ligne de vie »
  • Placer une clôture latérale, avec 1m de distance par rapport à la haie, cela permet aux animaux d’entretenir la haie sans l’abimer et d’avoir un espace d’intervention suffisant.
  • Tailler les arbres de jet sans laisser de branches coupées dépassant du tronc (risque d’infection) la coupe doit-être droite et nette
  • Pour les essences faisant des rejets (ex : noisetier), laisser les souches repartir et ne conserver que les branches les plus vigoureuses et les plus près des racines.
  • Il n’est pas nécessaire de retirer le lierre qui n’épuise pas un arbre sain (et qui est un lieu de refuge et d’alimentation pour de nombreux insectes). Or période d’implantation de jeunes arbres ou d’entretien spécifique, on peut laisser les ronces sur la « ligne de vie ».

Ces pratiques sont notamment issues du cahier des charges du label haie qui permet d’obtenir un label collectif pour le bon entretien de sa haie. Il peut ensuite être valorisé par les filières bois, et sur certaines zones des éleveurs ont pu obtenir une aide. Plus d’informations : Cahier des charges pour une gestion durable des haies (labelhaie.fr)

 

Quelques points d’attention :

  • Éviter de faire une suite ordonnée d'espèces (exemple : frêne, chêne, noisetier, frêne, chêne, noisetier…). Ces "séquences" n’existent pas dans la nature et vieillissent très mal.
  • Ne pas mettre trop de variétés différentes : maximum 10 variétés différentes;
  • Eviter les essences non originaires de Normandie (ex : cornouiller, fusain) qui ont peu d’intérêt sur la biodiversité.

Quel mode de conduite de la haie ?

Image8De nombreux modes de conduite sont possibles selon les objectifs recherchés par la haie : du taillis simple au taillis sous-futaie en passant par la futaie régulière ou irrégulière.

 

La cépée est un exemple de taillis. Il s’agit d’une touffe de jeunes tiges de bois et/ou de rejets qui sortent d’une souche (par opposition aux arbres de haut jet).

La cépée de noisetiers est ainsi une excellente manière de valoriser le bois de noisetier, difficilement exploitable en bois buche, mais excellent bois de chauffage. Il peut également être utilisé en tant que fourrage.

 

 

Les têtards, ou trognes, se retrouvent aussi bien dans les futaies que les taillis sous futaie. Ce sont des arbres à la forme caractéristique résultant d’un mode d’exploitation ancestral, appelé étrognage ou trognage, consistant en des tailles périodiques spécifiques, pour fournir principalement du bois et du fourrage.Image9