Panse Bête n°18 : pensez vos élevages !

 

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Bandeau17Septembre 2017

Lettre d'information co-rédigée
par les Défis Ruraux et Association Bio Normandie.
Informations techniques et témoignages sont au menu.

Bonne lecture !

 

   Marjolaine Huguet & Jules Duclos, conseillers élevages à l'Association Bio Normandie
   Céline Déprés, animatrice systèmes herbagers aux Défis Ruraux

 
 

En ce moment

 

Faites votre bilan fourrager
Le bilan fourrager permet de prévoir les besoins en fourrages du troupeau sur une période choisie (hiver, année entière…) et de les comparer aux stocks disponibles. Il sert à déterminer quelle quantité de fourrage vous devrez peut-être acheter, ou dans quelle mesure il faudra chercher à prolonger la saison de pâturage pour ne pas manquer durant l’hiver.

Attention à la météorisation sur les repousses d’automne
Dans les prairies riches en trèfle, allongez au maximum le temps de retour pour limiter les risques. Si le doute subsiste, apportez quelques kilos de foin ou de paille de bonne qualité au cornadis pour que tous les animaux aient leur ration. Enfin, un apport d’huile dans l’eau en préventif peut être envisagé à hauteur de 50 ml/animal/jour.

 


Nos éleveurs témoignent

 

♦ Sylviane GAUTHIER – Eleveuse de vaches allaitantes – Bosc-Bénard-Crescy (27) - 18,5 ha pâturés - 5 ha de maïs – 1,5 ha de betteraves fourragères

 

vaches charolaises

« Cette année, j’ai commencé à travailler sur le pâturage tournant, et cela fonctionne bien, malgré la météo parfois un peu bizarre de cette année. J’ai attendu qu’il y ait un peu plus d’herbe sur pied que les années précédentes pour la mise à l’herbe, et j’ai essayé de faire tourner mes lots d’animaux plus doucement, en respectant une hauteur d’entrée autour de 20-22 cm. Les vaches allaitantes ont bien repris de l’état !

Grâce au pâturage tournant, j’ai aussi vu un peu plus d’herbe dans mes parcelles sur toute la saison. Habituellement, à l’automne, je dois les complémenter avec de l’ensilage de maïs car je n’ai plus d’herbe. Alors qu’en ce moment, ils ont juste de l’herbe et de la paille. Par contre, il faudrait peut-être donner un peu de compléments aux broutards vendus en fin d’été et en début d’automne, pour qu’ils prennent un peu plus de poids, mais ce n’est pas nécessaire au printemps.

A terme, j’aimerais continuer à diminuer mes surfaces de maïs, voire même ne plus en faire. Pourquoi pas le remplacer en partie par une parcelle en luzerne-dactyle pour faire mes stocks hivernaux ? »

 

 

♦ Gautier FIHUE – Eleveur de 70 VL kiwi en conversion bio - Installation 2016 système Néo-zélandais – Osmoy-Saint-Valery (76) – Pays de Bray – 37,5 ha de prairies permanentes accessibles pour les VL dont 17 ha mis en place à l’automne 2016 et 3.5 ha au printemps 2017.

 

gauthier fihue

« Après une expérience en Nouvelle Zélande, j’ai décidé de reprendre la ferme familiale pour y développer un système herbager autonome : 100 % des vêlages au printemps, fermeture de la salle de traite deux mois l’hiver, race kiwi et pâturage tournant cellulaire. Cette première saison de pâturage a été assez sportive : en plus de mettre en place toutes les clôtures, de construire la salle de traite, et de traire 70 primipares, il a fallu être fin dans la gestion de l’herbe. Effectivement, après la mise en place des 17 ha de prairies dans des conditions d’implantation délicates à l’automne 2016, la sécheresse du printemps n’a pas permis une réelle flambée de croissance de l’herbe. Seules les prairies permanentes historiques, qui m’ont d’ailleurs bien rendu service cette année, ont pu être exploitées sans difficultés. Malgré cette pousse décevante, je n’ai pas donné de concentrés. Etant sur des terres séchantes (sols de craie du Pays de Bray), j’ai basé mon système sur un peu plus de 50 ares/VL avec des paddocks de 85 ares. J’ai donc pu débrayer des surfaces au printemps malgré tout, ce qui m’a permis de constituer un peu de stock. Pour l’instant, le bilan fourrager est juste à l’équilibre car je n’ai pas encore d’élèves à nourrir et les repousses d’automne pourront être pâturées tard car les terres sont portantes. La saison prochaine devrait être meilleure : le trèfle est revenu grâce au pâturage tournant, les vaches seront en deuxième lactation, les prairies seront bien implantées et j’aurai gagné en expérience ! » »

  

 

Arbres fourragers : une ressource à valoriser


Depuis les débuts de l’agriculture, l’élevage était lié à l’utilisation de l’arbre dont les feuilles constituaient une part de l’alimentation. Avec la mécanisation de la récolte de l’herbe, ces pratiques ont peu à peu disparu. Aujourd’hui les arbres fourragers intéressent à nouveau le monde agricole notamment en raison de l’augmentation des périodes de sécheresse et de la baisse des stocks fourragers.


Une bonne valeur alimentaire des feuilles mais une faible digestibilité

Les feuilles d’arbres ont une plus grande richesse en MAT (Matière Azotée Totale), minéraux et oligo-éléments que l’herbe de prairie naturelle ou la luzerne. Cependant leur importante teneur en lignine et leur richesse en tanins les rend moins digestes. En effet, la flore présente dans la panse est majoritairement cellulolytique : elle dégrade bien la cellulose mais peu la lignine. La valeur alimentaire et la digestibilité sont très variables selon les espèces d’arbres.

 

   Foin de première coupe
(prairie naturelle
Feuillage de frêne 
UF   0.6 à 0.8    0.4 à 0.6
 Matière Azotée totale g/kgMS     100  160
 Cellulose brute %         26.3  15.3
 Matière minérale %        8.01  9.73
 Ca %     1.37   2.87

 

Tableau comparatif des valeurs fourragères entre le frêne et le foin de prairie naturelle (Bertrand 1996)

 

Choisir des essences adaptées

Les essences ayant la meilleure valeur nutritive et la plus grande appétence sont l’orme, le mûrier blanc, l’érable, le frêne, le peuplier, le robinier faux acacia et le févier d’Amérique.
Il faut être vigilant car certaines essences peuvent altérer les performances des animaux, voire être toxiques. Les feuilles de chênes font chuter la lactation et ne conviennent qu’à des animaux taris. Les feuilles de laurier, de laurier-rose, de noyer, de cytise, d’if et de buis sont des poisons très toxiques.

 

 

Augmenter l’autonomie alimentaire grâce aux arbres

bocage brayon

Un arbre produit en moyenne 40 à 60 kg de feuilles par an. Le fourrage d’arbre peut avoir plusieurs destinations :

  • pallier le manque d’herbe en été : réserve de fourrage sur pied
  • servir de complément alimentaire riche en oligo-éléments.

Pour distribuer 4-5 kg de feuilles/UGB/jour pendant trois mois en été, il faut 400 kg de feuilles, soit 8 arbres pour 1 UGB. Comme il faut attendre au moins 3 ou 4 ans entre deux exploitations de l’arbre, il faut prévoir 32 arbres/UGB sur l’exploitation.


Un exemple dans le Pays de Bray : Laurent MOINET, éleveur laitier, a l’habitude de tailler les haies proches de l’exploitation pour alimenter les génisses en été.


Des usages multiples et complémentaires

En plus d’être une réserve de fourrage, les arbres protègent les animaux du soleil et les abritent du mauvais temps. Cela permet de diminuer les stress thermiques et les pertes de production associées. Les arbres fourragers contribuent à la biodiversité et fournissent des produits pour d'autres usages : litière en copeaux (cf. panse-bête n°14), bois de chauffage, BRF, fagots, etc.

 

Par ailleurs, certains fourrages ont des vertus thérapeutiques :

  • Les feuilles de saules, peuplier et bouleaux sont connues pour leur action vermifuge.
  • Les feuilles de frêne seraient tonifiantes et permettraient de lutter contre la fièvre.

Des recherches en cours sur l’utilisation de l’arbre en élevage

Les références scientifiques sur le potentiel fourrager des arbres sont encore peu nombreuses. Plusieurs projets de recherche sont en cours pour évaluer l’impact de l’arbre dans les exploitations d’élevage et développer des références, des outils et des méthodes pour accompagner la mise en place de systèmes d’élevage agroforestiers. C’est le cas du projet PARASOL coordonné par l’AGROOF et du projet ARBELE coordonnée par l’IDELE.

 

Si la thématique vous intéresse il existe un livre disponible : Arbres fourragers - De l'élevage paysan au respect de l'environnement, Jérôme Goust.

 

Produire sa propre complémentation en cultivant la biodiversité


Les 4 et 5 juillet derniers, un groupe d’éleveurs laitiers des Défis Ruraux est parti en voyage d’études en Vendée, sur l’autonomie alimentaire du troupeau laitier. L’occasion de deux visites de fermes, celle d’Antoine Biteau, avec son toasteur de protéagineux (cf. Panse-bête n° 16), et le GAEC Ursule dont fait partie Jacques Morineau. Retour sur quelques stratégies d’exploitation, dont chacun pourra s’inspirer. Mais le contexte pédoclimatique étant beaucoup plus séchant que celui de Normandie, « copions le raisonnement, pas les recettes » !


Les fourrages, 1er levier de l’autonomie en protéines

Comme dans les systèmes autonomes, le premier levier sur ces deux fermes pour maximiser l’autonomie alimentaire est la prairie : maximiser le pâturage et faire des stocks de qualité sont deux points clés. Lors des chantiers d’ensilage, les éleveurs font attention à garder les feuilles des légumineuses, pour constituer un silo riche en azote. Il sera en effet plus simple et moins coûteux de ramener ensuite de l’énergie dans la ration avec une céréale ou un maïs autoproduit.
Il est possible de semer les prairies et les luzernes sous couvert de céréales (épeautre ou blé par exemple). Avec la luzerne, la moisson s’effectue à 50 cm, puis la luzerne et la paille sont fauchées ensemble à l’automne, pour être données aux vaches laitières. Cette technique permet d’associer production de fourrages et de concentrés dans la rotation.

 

Les associations céréales-protéagineux

Les associations de céréales et protéagineux permettent généralement un gain de rendement de 20 % par rapport à deux cultures en pur (1 ha de mélange produira plus que 0,5 + 0,5 ha de chacune en pur). Sur les fermes vendéennes on observe un gain de 2 % de protéines supplémentaires sur le blé associé à de la féverole. On constate aussi moins de maladies et de dégâts de bruches, qui repèrent beaucoup moins bien la féverole ou le pois « cachés » dans la céréale. La céréale, quant à elle, peut servir de tuteur à un pois. Attention toutefois à ne pas dépasser 20-30 graines/m² pour les protéagineux volubiles (pois fourrager et vesce) afin d’éviter la verse.

La diversité au sein de la parcelle tamponne les aléas climatiques : au moins une des deux espèces s’en sortira bien. A densité de semis égale d’une année sur l’autre, la proportion de chacune des espèces varie donc quasiment toujours dans le mélange, mais le rendement est plus ou moins constant. Il est intéressant de peser, à la récolte, la part de chaque constituant du mélange pour évaluer sa valeur nutritionnelle.
En règle générale, pour récolter un produit équilibré en céréales et protéagineux il est préconisé de semer 60 à 90 % de la dose normale de céréale et 50 % de la dose de protéagineux (+15 % si sol argileux ou caillouteux).

 

Voici des associations fréquentes en Normandie :

  • Triticale + Avoine + Pois fourrager
    100 kg/ha de triticale VUKA + 20 kg/ha d’avoine + 25 kg/ha de pois fourrager ASSAS
    Semis d’hiver
  • Orge + Pois protéagineux
    Semis d’hiver : 90 kg/ha d’orge + 90 kg/ha de pois protéagineux DOVE
    Semis de printemps : 90 kg d’orge + 90 kg de pois protéagineux
  • Epeautre + féverole
    140-150 kg d’épeautre ZOLLERNSPELZ + 120-130 kg de féverole ORGANDI, DIVA, IRENA
    Semis d’hiver, féverole semée à la volée avant labour à 20 cm, puis semis d’épeautre par-dessus.
    Battage : réduire la vitesse du batteur, ouvrir le contre batteur et diminuer la ventilation

Les mélanges variétaux

Lorsque l’association céréales-protéagineux n’est pas possible (conduite technique de la culture ou débouchés), il est aussi possible d’associer différentes variétés d’une même espèce. La résistance des unes et des autres permettra à l’ensemble du peuplement d’être moins sensible aux maladies. Sept variétés de blé sont ainsi associées dans une même parcelle au GAEC Ursule. Et un petit conseil de Jacques : « diminuez la fertilisation azotée : trop de sucre dans la plante, ça attire les pucerons ».


… à chacun de tester ses propres mélanges selon ses besoins, et d’emprunter ceux qui fonctionnent chez ses voisins !


Tirer parti de la biodiversité pour un système robuste

Au GAEC Ursule, la rotation n’est jamais fixe, mais se base sur quelques règles pour créer un système agro-écologique, autonome et productif :

  • Importance de la localisation des espèces pour maintenir les populations d’auxiliaires. Par exemple, les coccinelles, qui mangent les pucerons, voyagent entre les cultures dans la saison, et trouvent refuge dans la luzerne et les haies durant l’hiver.
  • Des parcelles de 6-8 ha maximum séparées par des haies pour avoir une biodiversité suffisante : insectes auxiliaires, buses, etc.
  • Plusieurs variétés par espèces, et associer les espèces autant que possible.
  • Alterner cultures d’hiver et de printemps.
  • Utiliser les antagonismes de cultures : la luzerne supprime les chardons, le sorgho les diminue fortement, la moutarde en CIPAN rompt les cycles de piétain échaudage et libère le phosphore du sol

 


Trucs et astuces

 

L’épeautre : un concentré idéal pour les veaux

 

epeautreAncêtre du blé, cette céréale nécessite très peu voire pas d’intrants et convient très bien à l’élevage des petits veaux.
En effet, son port étalé limite le salissement et ses besoins en azote sont faibles. L’itinéraire technique est sensiblement le même que celui du blé tendre avec une densité de semis légèrement inférieure (tallage important : il faut compter 250 à 350 grains/ha soit 180 à 220 kg/ha). Pour la récolte, le batteur et contre batteur doivent être desserrés pour conserver les enveloppes. Attention cependant, avec un poids spécifique deux fois moins important que celui du blé, les volumes de stockage nécessaires peuvent être importants.
Au niveau nutritionnel, les effets bénéfiques sur l’acidose et les diarrhées des petits veaux de cette céréale proviennent surtout des enveloppes du grain. On considère qu’1 kg d’épeautre consommé équivaut environ à 300 g de paille ingérée. Cet apport de fibre stabilise le transit, d’autant que la cellulose de l’épeautre est propice à la digestion. De plus, l’aspect rugueux et volumineux de la céréale favorise le développement du rumen et la salivation, tout en ralentissant la migration du bol vers l’appareil digestif. Tant que du lait est distribué, il est donc intéressant de donner le grain entier.
Si un besoin en concentré se fait sentir suite à un déficit énergétique des fourrages, l’épeautre est une solution intéressante qui sécurise l’apport d’énergie fermentescible tout en favorisant le développement des papilles du rumen. Il a donc toute sa place dans nos systèmes basés sur le préventif et la valorisation de fourrages grossiers.


Le tableau ci-dessous compare les valeurs de l’épeautre à celles du triticale :

   UFL  PDIN   PDIE   MAT    Phosphore   Calcium Cellulose brute 
 EPEAUTRE          0,85  66  82   11
 4,00
  0,70  120
TRITICALE 1,16 72 96 11       3,00 0,50 27

 

L’épeautre est également plus riche en phosphore, vitamine A et albumine que les autres céréales.

 


Agenda


3 octobre
Pâturage automnal - Réunion du groupe Herbe du Pays de Caux, aux Loges (groupe ouvert)
Infos : Céline

 

10 octobre
Formation "Passer mon élevage bovin en agriculture biologique" à Notre-Dame-de-Bliquetuit
Infos : Marjolaine

 

13 octobre
Tour de plaine sur les dérobées fourragères chez Edgar Dumortier – Pays de Caux
Infos : Jules

27 octobre

Porte ouverte chez Olivier Potel "Conversion en système herbager biologique : comment la gestion du pâturage m’a aidé à atteindre mes objectifs."
Infos : Jules

 

7 novembre
Formation "Caler ma rations hivernale"  - Pays de Caux
Infos : Céline

 

15 novembre
Portes ouvertes du projet "Culture Prairies : Passage d’un système laitier maïs à un système bio tout herbe en zone séchante" – Eure
Infos : Jules

 

16 novembre
Rencontre du groupe "Approche Globale en Santé animale", à Bernay, dans l'Eure
Infos : Céline

 

22 novembre et 6 décembre

Formation "Préparer ma conversion à l’agriculture biologique, concevoir un système cohérent" – Seine-Maritime ou Eure
Infos : Jules

 

28 novembre
Formation "Optimiser les performances du troupeau laitier par les pratiques de pâturage, quelles pratiques pour mon système" – Seine-Maritime ou Eure
Infos : Jules

 

Hiver 2017 - 2018
Formation "Comment adapter mon troupeau à mon nouveau système herbager ?"
Infos : Céline

Crédits photos : R. Lemonnier, GRAB HN, Défis Ruraux.

 
 


 

LA PLUME EST À VOUS...

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Céline Déprés
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Marjolaine Huguet & Jules Duclos
Conseillers élevages
Tél : 02.32.09.01.72
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