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Augmenter sa surface accessible au pâturage grâce au boviduc :
un investissement rentable sur le long terme ? Quels intérêts ? Quelles démarches ?

TÉMOIGNAGES

Yvan DUBOS - Éleveur de vaches laitières à Saint lô (centre Manche) - 60 VL, 67 ha dont 35 accessibles au pâturage. En Gaec avec un maraîcher et un fromager. Membre de l’APAD.


Depuis une vingtaine d’année les vaches de la ferme des Périers utilisent le passage sous la route communale pour accéder à 10 ha de prairies supplémentaires en toute autonomie. Les gains en temps de travail, sécurité et gazole sont énormes.

La décision communale de création d’une route passant sur les terres d’Yvan et de son père il y a une vingtaine d’année leur a fait perdre 13ha de leur SAU . De là, une négociation avec la communauté de commune leur a permis d’être dédommagé d’une partie de la création d’un boviduc reliant une nouvelle parcelle de 10 ha plus proche de la ferme, mais séparée par une route communale à traverser. « Avant le boviduc, la cinquantaine de vaches devaient passer par la route deux fois à quatre fois par jour selon l’emplacement des paddocks, ce qui mobilisait une à deux personnes à chaque traversée » se souvient Yvan. Au-delà de l’aspect chronophage d’une telle organisation, c’est surtout l’aspect sécuritaire tant pour les hommes que pour les bêtes qui était essentiel à améliorer.

Aujourd’hui les vaches vont et viennent d’elles-mêmes sans risquer d’accident dans le tunnel de 2m de haut sur 2m de large pour une dizaine de mètres de longueur. « Les vaches n’ont jamais eu de soucis pour emprunter ce nouveau passage, elles n’y dérapent pas et ne se coincent pas non plus, il est pratique ». L’évacuation de l’eau se fait naturellement par une pente de chaque côté du passage. Avec le recul, Yvan pense qu’un seule pente aurait suffi. L’entretien est très simple car il n’a curé « que 2 fois depuis sa création ».

L’accès facilité à 10 ha de pâture a aussi permis à Yvan d’accéder à 2,5 autres ha supplémentaires en passant par un chemin. « En coupant à travers champs, je n’utilise plus jamais la bétaillère. Ça me simplifie le travail et ne me demande plus aucun carburant ». Ce gain de surface accessible permet aussi de ne pas y faire de travaux agricoles tels que des fauches régulières ou des cultures à itinéraire technique plus gourmands en carburant. Les prairies en mélange graminées et légumineuses ainsi pâturées permettent aussi plus d’autonomie alimentaire. L’empreinte écologique globale de la ferme s’en trouve améliorée.

L’ancienneté des travaux n’a pas permis d’avoir le coût de la réalisation. Mais l’investissement pour un boviduc est très variable (entre 10 000 et 50 000€) et dépend avant tout du statut routier : communal ou départemental. Yvan alerte sur « l'importance d’avoir connaissance des plans avant la construction car les architectes et maîtres d’œuvre ne sont pas toujours au fait de ce qui est praticable pour une vache, tout en minimisant la surface de pâturage perdue par la zone de passage ».

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Gérard GRANDIN - Éleveur de vaches laitières à Lucé (Orne) 70 VL, 56 ha en 100% praire, 1 UTH. Membre du groupe ARADEC
En 2013, Gérard Grandin a investit dans la construction d’un boviduc afin d’avoir accès à 15 ha de prairies supplémentaires. Il est passé d’une surface accessible de 30 à 45 ha, grâce à un passage sous la route départementale qui l’en séparait. La démarche venant de lui, il a d’abord dû demander l’accord aux propriétaires des terres qu’il souhaitait relier. Il a ensuite dû contacter le conseil général et les services techniques locaux et départementaux afin de connaître les servitudes (eau, gaz électricité) liées à cette route, et avoir l’accord du département. Il a ensuite contacté une entreprise de travaux publics pour réaliser les travaux. « Il vaut mieux laisser l’entreprise s’occuper de toute la partie administrative en lien avec les autorisations et négociations d’aménagements » conseille-t-il, et « il faut être vigilant car selon les interlocuteurs, ces échanges et accords peuvent êtres très long, moi ça m’a pris 6 mois entre la demande et l’accord de démarrage des travaux sur les réseaux d’eau ».

Avant la création du boviduc, « il faut bien analyser la géographie de la zone sur laquelle il sera construit et éviter les zones de creux par exemple, où l’eau aura plus tendance à s’accumuler et à dégrader la structure ou son accès dans le temps ». Un sondage préalable du sol de chaque côté de la route aidera à s’assurer qu’il n’y a pas de zone rocheuse gênante pour le terrassement ou de nappe à proximité. Une analyse du type de sol entourant le passage permettra de connaître sa tendance pédologique : une terre argileuse au sol retiendra l’humidité et sera moins stable alors qu’une zone sableuse sera plus drainante. « Il faudra aussi prévoir un système d’évacuation des eaux » insiste Gérard si la zone est sujette à la submersion, à l’aide d’un puits, de systèmes de caillebotis ou de drainage ou encore d’une pompe de relevage afin d’éviter l’accumulation d’eau en période hivernale et de faciliter l’entretien.

Le boviduc de Gérard est composé de 6 modules en carré de béton de 2 mètres sur 2, avec armature métallique. La route a été coupée 10 jours pour l’installation. Tout un arsenal mécanique a dû être mobilisé : une grue de levage pour pouvoir déplacer les modules de 9 tonnes chacun, des pelleteuses, cylindrés et bulldozers. La totalité du chantier lui a coûté 40 000€, plus 3 000€ de pompe à eau. Il a du tout investir de lui-même malgré ses sollicitations pour des aides. Cet investissement lui permet depuis sa création et pour les 30 prochaines années à venir au moins, de ne plus utiliser sa bétaillère et de diminuer ses frais de mécanisation et de main d’œuvre : pas d’affouragement à l’auto chargeuse, moins de passage d’épandeur. « C’est surtout plus de confort de travail, ce sont les vaches qui font le boulot » confie-t-il. « Par rapport à ces engins, le boviduc n’est pas un outil qui va se dégrader dans le temps et perdre de sa valeur ». Son amortissement se fait sur le long terme.

Mais d’après lui, à l’échelle du système et de l'empreinte environnementale de la ferme, le plus logique serait surtout de ne pas avoir à construire de boviduc et d’essayer toutes les alternatives possibles, y compris la réduction de la taille du système avant de passer à cette étape. En effet tout ce béton n’est pas recyclable. Lui-même se dit que c’est ce qu’il aurait dû faire. Mais de tous les investissements inhérents à l’amélioration d’un système, le boviduc reste le plus intéressant et le plus durable.

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(source photo : ©Terre-net Média)

 


 

Démarches administratives selon le type de route

Selon le type de route : communale ou départementale les démarches seront plus ou moins longues et chères. Plus la route est grosse et passante, plus les démarches sont lourdes.

Si le boviduc passe sous une route communale, les démarches restent relativement simples et les délais acceptables. L’éleveur peut prendre les travaux à sa charge, voir se faire aider dans certaines conditions et selon les départements. Par exemple dans l’orne, le coût du boviduc peut être pris en charge à 50% par le département, à condition que la collectivité prévoit de gros travaux de voiries au même moment. En dehors de ce cadre très précis, ou de soutien de la part du maire comme cela a pu être le cas dans certaines communes (Mellac 29300 ; Ruffiac 56140… ), la plupart du temps le boviduc reste un investissement entièrement à la charge de l’agriculteur.

Avant de commencer les travaux, la ferme doit d’abord se renseigner sur les servitudes liées à la route : y a-t-il des canalisations d’eau, de gaz ou d’électricité ? Il est donc obligatoire de faire une Déclaration d’Intention de Commencement de Travaux (DICT) auprès des services techniques départementaux les plus proches ou auprès de la Direction régionale de l’industrie de la recherche et de l’environnement. Elle fera une demande auprès des opérateurs pour être informée de la présence des différents réseaux enterrés (eau, électricité, gaz). Il faudra ensuite déclarer les travaux prévus à leurs exploitants (EDF, GDF, France Télécom, les syndicats d’eau), au moyen d’une Déclaration de projet de Travaux (DT) par le maître d’ouvrage. Toute déclaration doit obligatoirement être précédée d’une consultation du guichet unique, accessible en ligne, qui recense la totalité des réseaux présents sur le territoire.

Malgré les servitudes, les routes n’appartiennent pas à leurs exploitants, les différents réseaux ne peuvent donc pas interdire ou remettre en cause les travaux et se doivent même d’aménager gracieusement les réseaux si le boviduc implique des modifications. Attention ces démarches peuvent être très longues : Gérard par exemple à dû attendre 6 mois entre sa déclaration et la validation du Syndicat d’eau.

Si le boviduc concerne une route départementale la situation se complique et la note sera tout de suite plus salée. En effet il faut d’abord s’adresser au Conseil général et faire un courrier à la Direction Départementale de l’Equipement (DDE), afin qu’elle lance une étude socio-économique de l’impact de la création du boviduc sur les réseaux d’eau, de gaz et d’électricité. De plus, l’entreprise en charge des travaux est choisie sur appel d’offre, au choix du département, ce qui fait peut faire gonfler les prix de 5 à 20%, sans compter le temps administratif de gestion de dossier supplémentaire.

*RAPPEL AIDE CHEMINS: Pour ceux qui n’ont pas encore vu passer l’info, la région lance un appel à projet pour aider à financer les chemins d'accès laitiers ! Démarches à réaliser avant le 30 septembre 2020. Une majoration agro-écologique de 10% du taux d’aide est accordée aux fermes en AB ou en conversion, en système herbager, aux fermes DEPHY ou 30.000, en MAE ou HVE etc. Détails et contacts dans le lien suivant :
cliquez ici


Conclusion : “Le boviduc est aussi intéressant que la route est petite !”
Si le territoire concerné et les conditions d’implantation du boviduc permettent de le réaliser « facilement » et à moindre coût alors le projet peut valoir le coût. Malgré cela le boviduc doit rester une solution de dernier recours. Diminuer la taille du système ou trouver d’autres surfaces plus facilement accessibles est parfois plus intéressant que l’investissement lui-même.