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A la suite des deux saisons fourragères complexes, les éleveurs du groupe AREAS (sud Manche) ont questionné leurs systèmes sur leur capacité à gérer les aléas : périodes de sécheresse, températures élevées, impact sur les cultures comme sur les animaux... Ainsi, ils ont organisé entre Novembre et Janvier, 3 journées sur la thématique, en prenant appui sur des fermes de Mayenne situées plus au sud.

« Temps de sécheresse qui se maintient et s’accentue »; « Des périodes extrêmes [froid, manque d’eau, températures élevées…] plus longues qu’habituellement »; « Des marges de sécurité [fourrages] qui ne se refont plus ou moins » : voici le constat dressé par les éleveurs du groupe AREAS.
Le changement climatique revêt plusieurs visages selon les conditions de la ferme et de son système ; pour autant les impacts sont clairs : moins de stocks pour les animaux, des conditions de pâturage plus délicates et aussi une sensation de vulnérabilité… Comment adapter notre système pâturant à ces conditions ? Comment font les autres éleveurs, situés plus au sud ou en zone séchante ? C’est avec ces questions en tête que le groupe CIVAM AREAS est descendu en Mayenne, au sud du département, avec l’intervention de Jean-Baptiste Coiffard (animateur agriculture durable au CIVAM AD 53).


UNE OPTIMISATION DES PRATIQUES D’ELEVAGE ET DE CULTURES


Le matin, Didier Delanoé a accueilli le groupe sur sa ferme de 64 ha (53 ha de SFP, 11 ha de céréales), spécialisée en élevage laitier (44 VL à 5000 l). Elle est située en zone séchante, avec des terres superficielles et précoces, la pluviométrie est de 700 mm/an. Plusieurs pratiques ont été mises en œuvre afin de favoriser l’autonomie fourragère du troupeau :

  • Réformes anticipées avant l’hiver : les vaches de réforme sont la variable d’ajustement annuelle, réformées ou non en fonction de la quantité de stocks. Jouer sur les réformes est préférable aux génisses, qui constituent le potentiel laitier futur du troupeau.
  • Arrêt de l’atelier d’engraissement : jusqu’en 2010, la ferme engraissait les mâles laitiers (bœufs), mais cet atelier pénalisait le chargement global, ne permettant pas une autonomie alimentaire suffisante.
  • Renouvellement maîtrisé : avec un taux de 20% de génisses de renouvellement/UGB totaux, le troupeau compte peu de cheptel improductif ce qui permet d’allouer un maximum de ressources alimentaires aux laitières.
  • Vêlages groupés d’automne : la production laitière suit ainsi la pousse de l’herbe automnale, et les vaches sont taries pendant l’été lorsque la productivité de l’herbe diminue. Les mises-bas ont lieu en septembre-octobre pour la grande majorité.
  • Un système pâturant fort : les éleveurs maximisent le pâturage proche des bâtiments, ce qui permet de « tourner sur plus grand » pour compenser la pousse plus faible de l’herbe en augmentant la taille des paddocks ou en réduisant le nombre de jours de présence (pas ou peu de culture dans l’accessible).

L’après-midi, le groupe a été accueilli par Aurélien Sabin, éleveur bovin lait sur 51ha (39ha de SFP, céréales panifiables) avec 37 VL à 4600l/VL ; installé avec sa compagne sur l’activité de paysan boulanger. C’est un système situé dans une zone moins séchante, avec des terres plus profondes. Malgré tout, des épisodes de sécheresses s’enchaînent et le manque de fourrages entraine une réflexion du système :

agris marchent

  • Vêlages groupés d’automne associés à un tarissement en été / monotraite estivale : permet d’avoir des animaux avec des besoins plus faibles (taris ou réformés) en période de manque de fourrages estivaux. Les vêlages reprennent alors à la saison plus propice à la pousse de l’herbe.
  • Réformes anticipées : les vaches qui ne sont pas entrées en gestation sont réformées dès la fin de l’automne, dès que l’apport en fourrages conservés recommence.
  • Renouvellement des prairies régulier : implantées sous couvert de méteil, d’une durée de 5 à 7 ans, avant d’être cultivées en méteil ensilé, maïs et céréales panifiables. Les prairies sont maintenues dans un état « jeune » pour garantir leur productivité.
  • Maïs épi ensilé et maïs épi déshydraté : le maïs épi ensilé est apporté lors des périodes d’affouragement en ensilage d’herbe ; le maïs épi déshydraté est apporté le reste de l’année. Au-delà de l’autonomie alimentaire du troupeau, cette ration est plus équilibrée pour les animaux. Elle réduit le volume des stocks conservés, la canne de maïs ayant une très faible valeur alimentaire.

L’ADAPTATION DES PRAIRIES ET LEURS CONDUITES, UNE CLE MAJEURE POUR GAGNER EN RESILIENCE

Un des leviers principaux pour l’adaptation au changement climatique est le levier de l’adaptation des prairies. Le projet PERPET, a suivi 87 fermes du grand Ouest de 2016 à 2020 pour mesurer la productivité des prairies, de leur maintien dans le temps et surtout des conditions de pérennité de ces parcelles.
Il en ressort l’importance de bien choisir ses mélanges lors de l’implantation des prairies, que ce soit sur le court comme sur le long terme. En effet, si l’on souhaite conserver sa prairie productive sur le long terme, adapter le mélange avec un bon équilibre légumineuses/graminées.
En effet, la majorité du temps on observe une baisse de productivité des prairies (avec un pic en année 3 après l’implantation) ; cependant certaines prairies se maintiennent ou même augmentent leurs rendements grâce à de l’évolution de leur flore. A noter que l’étude montre que les prairies les plus productives (> 8,9 TMS/ha) sont composées d’au moins 25% de légumineuses.
La fétuque élevée reste une graminée intéressante afin de garantir la pérennité des prairies, sur le long terme, en apportant une quantité de fourrages. D’autre part, les diverses qui apparaissent au fur et à mesure sont comestibles par les animaux et permettent malgré tout une bonne valorisation de l’herbe.
D’autre part, une bonne pratique de pâturage permet une valorisation maximale des prairies : 5 cycles de pâturage par an en moyenne ; y compris pendant les périodes que l’on pense « moins » propices au pâturage. En effet, le troupeau peut valoriser plus d’1TMS/ha entre octobre et décembre !). La question d’adapter le pâturage à la pousse de l’herbe est nécessaire : débrayage, temps de retour plus long, apport complémentaire à l’auge…

SAVOIR PILOTER SON SYSTEME POUR ANTICIPER LES EFFETS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

La journée de visite en Mayenne a été complétée d’une journée en Normandie sur la ferme de Loïc et Françoise, ainsi qu’une journée d’analyse autour des adaptations et des propositions face au changement climatique chez Daniel Fortin (sud-Manche).

Ce qu’il en ressort, c’est l’importance d’être flexible sur son système, d’anticiper un maximum les périodes critiques en ayant toujours un peu de stocks « sous le pied » en cas de besoin (que ce soit fourrager… comme au niveau de la trésorerie). Une bonne valorisation de l’herbe pâturée et stockée permet de maximiser les fourrages sur l’année et limiter les achats extérieurs.

La diminution du chargement des animaux reste un axe principal ; comparativement aux fermes visitées en Mayenne (entre 1,05 et 1,3 UGB/ha en moyenne). Le levier principal étant la réforme anticipée des vaches, surtout lors des périodes d’affouragement ; et avoir un nombre de génisses de renouvellement cohérent avec la taille du troupeau, sans toutefois impacter la production future.

agris marchent

 

D’autre part, afin de ne pas faire trop de pression sur le pâturage et éviter les temps de retour trop courts, les éleveurs pensent davantage apporter en appoint des fourrages conservés en périodes de ralentissement de pousse.


Le décalage de la période de vêlage de printemps (pour l’instant plutôt étalée ou au printemps) au profit de l’automne ne se pose pas forcément : les conditions climatiques du printemps permettent malgré tout d’effectuer les stocks et de faire pâturer les animaux suffisamment.


Le CIVAM AD a d’ailleurs travaillé sur les différents leviers mobilisables face au changement climatique, et principalement les clés, conditions de réussite et impacts de ces différents moyens.
Disponible en ligne : http://www.civamad53.org/wp-content/uploads/2017/07/Agro-Eco_web-2.pdf