Nos éleveurs témoignent
♦ Benoit Heude, éleveur laitier de 90 vaches en AB – Saumont-la-Poterie (76) – Pays de Bray- vêlages groupés en septembre – système tout herbe
« Je produis du lait bio depuis fin 2011 et je ne regrette pas ma conversion. Quand Danone a mis en place sa filière bio, je l’ai intégrée. Ici, ça a toujours été une ferme herbagère, avec des vaches qui sont dehors un maximum de temps. C’est du bon sens que de valoriser les pâtures présentes et grâce à cela, pas besoin de produire du maïs. Mes 90 vaches Prim’Hostein profitent des 120 hectares d’herbe de mars à décembre et mangent de l’ensilage d’herbe l’hiver. En complément, je n’achète que 20 t de luzerne déshydratée biologique à environ 210 €/t, ce qui est un prix correct pour sécuriser l’alimentation.Comme je suis seul sur l’exploitation, j’ai fait le choix de revendre tout le matériel de plaine pour investir dans une chaine de récolte de l’herbe efficace. J’ai aussi installé une salle de traite 2x15 places qui me permet de traire mes 80 vaches en moins d’une heure. La charge de travail est donc limitée à environ 40 h par semaine en moyenne sur l’année et 60 h maximum lors des pointes de travail. »
Résultats de production : environ 4 500 l/VL/an
La viande produite à l’herbe, une viande de qualité !
La viande bovine a une qualité variable en raison de la diversité des conduites et des types d’animaux produits. Il est important de connaître les facteurs qui ont un impact sur la qualité de la viande et de regarder en quoi les pratiques d’élevages influencent ces facteurs. La conduite à l’herbe en particulier, joue un rôle dans les qualités nutritionnelles et organoleptiques de la viande.
I- LES QUALITES ORGANOLEPTIQUES DE LA VIANDE A L’HERBE
Les caractéristiques musculaires qui impactent la qualité de la viande
Le muscle est composé de différents types de fibres musculaires : - Les fibres rouges - Les fibres blanches - Les fibres intermédiaires
La couleur de la viande est la première caractéristique perçue. Les consommateurs français recherchent une viande rouge.
La jutosité dépend de la capacité de rétention d’eau du muscle et de la teneur en lipides. Une viande à pH bas perd son eau et sera plus sèche tandis qu’une viande à pH élevé aura une plus grande jutosité. Les fibres rouges ainsi que la présence de lipides conduisent à une jutosité plus importante.
La flaveur dépend de l’animal (âge, sexe, etc.) et du type de fibre. Les fibres rouges conduisent à des viandes de flaveur plus développée. La présence de lipides est également nécessaire pour que se développe la flaveur.
La tendreté dépend du type de fibre et de la solubilité du collagène. Les muscles riches en fibres blanches sont plus tendres et maturent plus vites. Un équilibre est donc à trouver entre ces différents critères.
Avec l’âge, la tendreté diminue mais la flaveur augmente.
Pendant une phase de croissance, les muscles sont plus blancs donc plus tendres. Au contraire, pendant une phase de vieillissement les muscles sont de plus en plus rouges. Par ailleurs, l’adiposité, et donc la flaveur augmentent avec l’âge.
La testostérone accélère le début du vieillissement
Chez les femelles, la phase de vieillissement débute plus tard que chez les mâles : 34 mois contre 12 chez un mâle entier. La viande des femelles reste tendre plus longtemps. Les mâles castrés ont une situation intermédiaire. Par ailleurs, la castration est associée à une augmentation de la quantité de lipides intramusculaires et donc de la flaveur.
La croissance compensatrice améliore la tendreté et la flaveur
La croissance compensatrice, c’est l’accélération de croissance observée chez des animaux recevant une alimentation non limitée, après une période de restriction alimentaire. C’est le cas de l’alimentation au pâturage quand les animaux sortent d’un hiver avec de faibles apports. Une restriction énergétique après le sevrage entraîne l’augmentation de la part des fibres rouges. Lorsque le niveau alimentaire est à nouveau augmenté à la mise à l’herbe, la proportion de fibres blanches augmente ainsi que le dépôt adipeux. La tendreté et la flaveur sont plus importantes.
A l’herbe, les carcasses lourdes sont de meilleure qualité Les animaux produits à l’herbe ont une courbe de croissance discontinue. Ils alternent entre des phases de forte croissance au pâturage et des phases de croissance modérée en hiver. Les animaux ne sont pas conduits et alimentés dans le but d’atteindre sans cesse leur potentiel de croissance, mais de valoriser au mieux les ressources herbagères. Cette croissance discontinue permet d’obtenir des carcasses lourdes de grande qualité. Les animaux conduits à l’herbe ont un poids carcasse et un état d’engraissement qui augmentent proportionnellement. A l’inverse, une croissance continue à l’auge favorise le développement des tissus adipeux au détriment des muscles.
Le pâturage favorise la jutosité Le pâturage, permet l’exercice physique des animaux. L’eau contenue dans les muscles est ainsi piégée par leur structure métabolique. Cela offre à la viande une plus grande jutosité.
Conclusion : La viande à l’herbe est tendre, colorée, goûteuse et juteuse Les bovins produits à l’herbe sont des génisses, des jeunes vaches, des bœufs et des vaches allaitantes réformées. Avec une conduite herbagère, tous ces animaux ont une croissance discontinue. Leur sexe (femelles et mâles castrés) et la croissance compensatrice permettent d’obtenir des viandes aussi tendres que celles de jeunes bovins mâles de poids équivalent conduits intensivement, même dans le cas des vaches de réformes plus âgées. Par ailleurs, les caractéristiques de l’élevage à l’herbe favorisent la couleur, la flaveur et la jutosité de ces viandes. En général, les bovins produits à l’herbe fournissent des produits dont les qualités organoleptiques sont mieux appréciées que celles des bovins conduits plus intensivement.
II - LES QUALITES NUTRITIONNELLES DE LA VIANDE A L’HERBE
Une viande à l’herbe riche en Oméga 3 Une étude menée à la station expérimentale de Mauron dans le Morbihan a comparé la teneur en oméga 3 des viandes selon la ration pratiquée. Le tableau ci-dessous compare la teneur en oméga 3 de 3 lots : - Lot témoin : Conduit à l’auge sans lin - Lot lin extrudé : Conduit à l’auge avec 750 g/jour de graines de lin extrudées - Lot herbe : Conduit en pâturage tournant sur des prairies naturelles
Essai |
Lot témoin |
Lot lin extrudé |
Lot herbe |
1 |
0.49 ± 0.13 |
0.86 ± 0.13 |
0.92 ± 0.10 |
2 |
0.36 ± 0.04 |
1.13 ± 0.30 |
0.93 ± 0.35 |
Teneur en oméga 3 du long dorsal cru (%AG totaux) en fonction de la ration La viande des animaux conduits à l’herbe a une teneur en oméga 3 plus de deux fois supérieure à celle du lot témoin et se situe au même niveau que celle du lot lin extrudé. En plus de ses qualités organoleptiques, la viande produite à l’herbe a des qualités nutritionnelles avérées sans que l’éleveur ait besoin d’acheter des concentrés tels que le lin.
BILAN - S’APPUYER SUR CES QUALITES POUR MIEUX LA VALORISER Au-delà de l’image de qualité véhiculée par une vache au pâturage, la viande produite à l’herbe possède des qualités organoleptiques et nutritionnelles démontrées par plusieurs études scientifiques. Ce sont des arguments sur lesquels s’appuyer pour valoriser au mieux cette production et la développer. Dans une région réputée pour la productivité des prairies il serait dommage de se passer d’une alimentation à la fois peu coûteuse et aux effets bénéfiques avérés : l’herbe.
Sources : Mai 2006 - Cap élevage n°4 – Des bovins viande nourris à l’herbe ou au lin 1997 - D. Micol, B.Picard – Production de viande bovine à l’herbe et qualité
Trucs et astuces
ÉLEVAGE DES GÉNISSES : OSER L’APPROCHE PHYSIOLOGIQUE
La formation sur l’élevage des génisses organisée chez Antoine Cabot, éleveur herbager bio à Martigny, était l’occasion de découvrir une autre approche de l’alimentation des génisses basée sur le respect du développement physiologique de l’animal. D’après Marine Lemasson, nutritionniste indépendante formée à la méthode Obsalim, respecter le développement du rumen et les besoins des animaux en fonction de leur âge est un investissement à faire pour l’avenir de son troupeau laitier afin de gagner en production, et surtout en longévité des animaux.
Respecter le développement du système digestif revient à sevrer tardivement et à distribuer des quantités importantes de lait : favoriser l’alimentation lactée (Apport de lait : minimum 8 à 10 % du poids vif) jusqu’à 3 mois puis maintenir du lait jusqu’à six mois. En complément du lait, du foin grossier et un concentré azoté. Après six mois, en fonction des saisons, l’alimentation est basée sur l’herbe (foin ou pâturage tournant) avec un apport limité de concentré en cas de vêlage 2 ans. Marine Lemasson préconise également d’éviter les fourrages conservés par voie humide pour l’élevage des génisses car ils favorisent l’instabilité ruminale et sont trop riches pour ces animaux. Avec cette technique, il est possible d’obtenir un vêlage à deux ans en système herbager. Les éleveurs et éleveuses présents se sont dits prêts à tester cette technique chez eux… Affaire à suivre !
Agenda
11 janvier et 16 février Formation "Santé et alimentation en élevage de volailles"
Infos : Marjolaine
16 janvier Formation "Réaliser une autopsie en élevage ovin" Infos : Marjolaine
17 janvier
Formation "Ration chèvres laitières" Infos : Jules
24 et 25 janvier Formation "Santé et alimentation en élevage de porcs" Infos : Marjolaine
Crédits photos : A. Bertereau - Agence Mona, P. Martel, C. Henke, Fotolia.
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