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Analyse des essais prairies multi-espèces adaptées au réchauffement climatique

Voilà désormais bientôt 2 ans que les agriculteurs du groupe CIVAM de la Rouvre ont lancé leurs essais de prairies multi-espèces, avec des mélanges expérimentaux pour répondre à la problématique du réchauffement climatique. Ces essais, qui vont durer au total 3 ans, sont financés et mis en place grâce au SDE61 qui soutient le groupe dans leurs essais agronomiques et journées de formations.

essais

8 agriculteurs se sont engagés à faire des essais afin de permettre au Réseau des CIVAM normands et au SDE61 d’analyser les espèces plus ou moins adaptées aux conditions météorologiques.

Pour cela, 4 agriculteurs tiennent leurs prairies en Fauche (F) et 4 autres en Pâturage (P), avec deux relevés/an (un au printemps et un l’été) appelés « coupes » (C). Ces relevés sont réalisés juste avant le pâturage ou la fauche. Les mélanges, appelés M1 et M2, sont constitués de manière collective de la sorte (voir ci-contre). Le M2 en P contient du Ray-Grass Anglais (RGA), pour correspondre à la volonté des agriculteurs, et l’autre de la fétuque. Hormis cette différence, seule la quantité de fétuque et de plantain diffère entre les mélanges. De fait, le plantain se sème traditionnellement autour de 1 à 2 kg/ha, pour l’expérimentation il y a eu la volonté de varier les quantités selon les mélanges pour voir les conséquences sur la prairie au fil du temps.

Analyses de la flore prairiale

flore prairialeDans la majorité des cas, que cela soit en F ou en P, on peut apercevoir une baisse continuelle du pourcentage (%) de sol nu au sein de la parcelle. Cela est confirmé par la production de Tonne de Matière Sèche (TMS)/ha qui, elle, augmente dans tous les cas de figure pour attendre sont plus haut total en 3ème C.

Cela est naturellement lié au temps d’implantation de la prairie, mais également en grande partie à cause d’un printemps 2022 froid suivi d’un été très sec.

Le Trèfle Violet (TV), dans beaucoup de cas voit son plus haut pourcentage de présence en 1ère coupe par rapport aux deux suivantes. (sauf petites exceptions chez G. THIERRY en 2ème coupe pour M1 et M2, chez É. TOUTAIN en M2 et chez C. LETARD en M1, malgré des données proches), À l'inverse, son cousin le Trèfle Blanc (TB) augmente son pourcentage de présence dans quasi tous les cas de figure entre sa 1ère coupe et sa 3ème (si ce n'est chez J-N DELENTE en M1 et M2 et chez G THIERRY en M1 où ils voient son pourcentage diminuer entre la 1ère et la 3ème coupe). Même si ces augmentations ne sont pas importantes, il est important de déceler que le Trèfle Violet possède une implantation rapide et précoce, contrairement au Trèfle Blanc qui, lui, entame son développement plus tardivement au sein de la prairie, preuve d’une belle complémentarité entre eux.


 LEGENDE : données concernant la pâture, données concernant la fauche

flore prairiale3flore prairiale3

On peut également apercevoir une différence significative dans le pourcentage du plantain selon le type de mélange. En effet, dans les mélanges de P, le plantain s'acclimate mieux sur le long terme avec le Ray-Grass Anglais (RGA) qu'avec la fétuque. Il est, dans (presque) tous les cas de figure, plus présent à la 3ème coupe qu'à la 1ère avec le RGA, alors qu'il est moins présent à la 3ème coupe qu'à la 1ère avec la fétuque. De plus, le plantain est dans une majeure partie des cas plus présent en 2ème coupe, pour certains il explose ! Une bonne conclusion car la 2ème coupe étant une coupe d’été (2022), l’hypothèse selon laquelle le plantain serait plus présent en cas de chaleur et/ou de taux de lumière maximum (donc plus adapté pour l'été) s’avérait exacte. Les résultats de la 4ème coupe (été 2023) pourraient nous en dire plus, d’autant que la fin du printemps 2023 a été relativement sèche, contrairement au milieu de l’été 2023 actuel, particulièrement pluvieux en août.

flore prairiale4Le Trèfle Violet étant présent en grande quantité en fauche (F) et diminuant selon l'âge de la prairie, on peut penser que le plantain le concurrence au fil du temps et/ou le remplace, puisqu'il ne subit pas de diminution en mélange de F, alors qu'il est avec la fétuque (contrairement à l’analyse sur les mélanges de Pâture (P) ci-dessus).

De plus, en F, le pourcentage de flore autre est en diminution pour tous nos agriculteurs au fur et à mesure que la prairie vieillit, ce qui est positif et annonce une bonne implantation de celle-ci dans le temps.

Concernant les autres espèces végétales, leur présence est vraiment hétérogène selon les parcelles des agriculteurs et les mélanges. On peut expliquer cela par différents types de sols sur lesquelles ces prairies sont implantées, les précédents culturaux et les conditions météorologiques (malgré le fait que nos agriculteurs sont situés dans un secteur géographique plutôt restreint).

Le retour de Cyrille Letard sur ses semis est très intéressant : « Sur la ferme, les prairies temporaires sont exclusivement dédiées à la fauche. Les sols sont limon sableux, avec peu de réserve utile, exposé au sud. 3 semaines sans précipitations et on voit les ronds de cailloux. Nous implantons des associations dactyle/TV/TB géant récolté en ensilage ou enrubannage. L'objectif est de récolter 4 coupes. Mais avec les étés chauds et secs, il n'y a pas de coupe d'été. L'implantation de plantain doit répondre à cet objectif. Mon ressenti pour l'année passée sur les essais est que je n'ai pas vu de différence entre les essais plantain et mon mélange historique. Tout a grillé en 2022 et on a fait une coupe de nettoyage avant l'hiver. Pour cette année, même ressenti. Après la coupe du 29 juin, il n'y a pas eu de meilleur redémarrage de l'essai ».

Analyses des valeurs alimentaires

Pour les valeurs alimentaires, nous avons regardé en globalité : le pourcentage de MS (ce taux est déterminant pour apprécier la conservation et la capacité pour l’animal d’ingérer un fourrage, le reste est de l’eau) : celui-ci était constamment entre 10 % et 20 % ; Le taux de MAT (Matière Azotée Totale) exprimé en g/kg de MS (la MAT correspond aux protéines qui entrent dans la bouche de votre animal) ; L’UFL (Unité Fourragère Lait (il s’agit d’une énergie nette, c'est-à-dire disponible pour l’animal, celle-ci fait toujours référence à 1 kg d’orge : 1 kg d’orge = 1 UFL = 1 760 kcal d’énergie nette)) : ceux-ci étaient entre 0.75 et 1 ; Les PDIN (Protéines Digestibles dans l’Intestin permises par l’Azote) exprimées en g/kg de MS (elles correspondent au potentiel de l’aliment en azote dégradée dans le rumen) : elles étaient en moyenne à 95 ; Les PDIE (Protéines Digestibles dans l’Intestin permises par l’Énergie) exprimées elles aussi en g/kg de Ms (elles correspondent au potentiel de l’aliment en énergie dégradée dans le rumen) : elles étaient en moyenne à 65. Pour information, les valeurs alimentaires moyennes d’une prairie printemps/été sont les suivantes : % MS = 23 ; UFL = 0.9 ; MAT = 112 ; PDIN = 98 ; PDIE = 91.

En fauche, on peut constater un ratio entre les PDIN et les PDIE, ces derniers se suivent toujours en termes de croissance/décroissance : quand l'un augmente, les autres aussi et vice versa. Malgré tout, les PDIN sont toujours supérieures aux PDIE, ce qui est compréhensible car nous sommes dans un système de pâturage prairial, qui plus est, avec des légumineuses. Chez Jean-Luc, on constate une forte diminution de MAT au fil des coupes. Cela est la conséquence de la forte augmentation de la flore spontanée n'ayant pas été implantée (mentionnée comme "autres"). En effet l’augmentation de cette flore est parallèle avec la diminution des MAT, celle-ci étant bien moins avantageuse au niveau valeur alimentaire que les espèces semées. Mais les teneurs en tanin, avec les avantages qu’ils apportent, n’ont pas pu être mesurés car réalisé uniquement dans peu de laboratoires en France.

Outre ces quelques informations, il est relativement complexe de faire des analyses concernant les valeurs alimentaires, celles-ci étant très hétérogène et n’ayant à priori pas de liens visuels concrets avec les pourcentages d’espèces prairiales et/ou les rendements et/ou la saisonnalité de la coupe. De plus, l’hétérogénéité des données peut également venir de la fertilisation des parcelles, mais également du type de sol et du climat.

Analyses des rendements

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Concernant les rendements, on peut s'apercevoir, au bout d'un an et demi (3 coupes), que le M1 est bien plus performant, peu importe qu'il s'agisse de F ou de P. En effet, dans toutes les fermes (et donc plusieurs sols différents), M1 révèle toujours un rendement supérieur à M2, quelques fois du simple au double ! Dans de rares cas, selon la coupe (étonnamment il s'agit toujours de la 1ère), on constate un rendement de M2 supérieur à M1, mais cette supériorité ne dépasse jamais 2 TMS/ha. De plus, les rendements de la 3ème coupe furent supérieurs à ceux de la 2ème, eux-mêmes supérieurs à la 1ère coupe. On peut évidemment se douter qu'il s'agit du temps d'implantation, mais un autre élément est à prendre en compte : le climat. Lors des 2 premières coupes (printemps/été 2022), il a fait très chaud et sec, ce qui a nui au bon développement des prairies. Le printemps 2023 ayant été plus humide et frais, les rendements ont explosé ! Il sera intéressant de constater les rendements de la 4ème coupe, au vu d’une fin de printemps 2023 sèche mais d’un début d'été très pluvieux. Affaire à suivre.

Jean-Noël et Cyrille ont implanté leurs prairies sous couverts de céréales en ligne. Cela ne semble pas avoir eu d'impact fort car leurs rendements sont homogènes par rapports aux autres. Tout comme leurs valeurs alimentaires et leurs % d'espèces présentes. Exception faite pour le plantain en P ! En effet, chez J-N, celui-ci est bien plus présent au bout de la 2ème C que chez les autres étant en P. Chez Cyrille en revanche, ce n’est pas le cas… Voici l’avis de Pierre, qui est en fauche : « J’ai constaté que le plantin concurrence fortement les autres espèces à l’implantation. Il est plus pertinent en pâture qu’en fauche car il arrive vite à son stade où il ne pousse plus. Il a également une bonne appétence en pâture ou à l’auge. Il monte vite à graines et a une forte capacité à se réimplanter. Cependant, je n’ai pas trouvé qu’il avait une résistance particulière au manque d’eau par rapport au Trèfle Violet ou à la Fétuque ».

+ d'infos : Léo Toutain