RCN

 

 

 

 

 

 

 

 

POURQUOI FAIRE LE CHOIX DU SORGHO FOURRAGER ?

Réaliser des stocks fourragers sur des parcelles séchantes, semer plus tardivement derrière un méteil dérobé ou encore implanter une prairie sous couvert au printemps : voilà autant de situations qui ont conduit certains éleveurs à essayer la culture du sorgho fourrager. Nous vous présentons ici les résultats d’essais conduits par 3 éleveurs de Seine-Maritime et de l’Eure : rendements obtenus, valeurs alimentaires, essais d’association…

Les éleveurs suivis ont fait le choix du sorgho fourrager ou de l’herbe du soudan pour des raisons diverses :

  • Valoriser une parcelle très séchante : Pour l’un d’entre eux, il s’agissait de valoriser une parcelle très séchante afin de réaliser des stocks fourragers. Situé dans les boucles de la Seine, l’éleveur a besoin de stock pour affourager les animaux lorsqu’une partie des surfaces est inondée l’hiver. Cependant, les déficits hydriques marqués en été pénalisent la production fourragère.
    En effet, sur la parcelle en question, les sols alluvionnaires filtrants ne permettent pas de cultiver du maïs fourrage (moins de 3tMS). Son choix s’est donc porté sur de l’herbe du soudan, plus résistante aux stress hydriques et permettant de réaliser plusieurs coupes.

    En 2020, année chaude et sèche, avec un apport de 20t de fumier et un semis début juin, le rendement estimé en enrubannage a été de 7,5tMS/ha en première coupe en juillet et de 4,5tMS/ha à la seconde en octobre, soit 12tMS/ha. L’éleveur est satisfait du rendement obtenu : « cela m'a permis de sécuriser les stocks de fourrage grossier pour l’hiver lors d’une année ou les rendements en herbe étaient insuffisants. » En revanche, en 2021, sur la même parcelle, le temps froid et humide a été moins favorable au sorgho : les coupes mi-août et mi-septembre n’ont permis qu’un rendement de 6tMS/ha, soit la moitié de l’année précédente. Par contre, la pousse de l’herbe était très importante cette année-là.

  • Semer derrière un méteil ensilé : Une autre motivation possible est la réalisation d’une culture fourragère dérobée qui puisse être semée suffisamment tard derrière un méteil ensilé. « Je pense que le sorgho pourrait trouver sa place après un méteil. On peut le récolter au bon stade sans avoir à se presser à cause de la date de semis du maïs. » Semé début juin, il a permis une première exploitation en juillet-août et une seconde coupe en septembre-octobre, avant les premières gelées. Pour l’implantation derrière méteil, les éleveurs ont choisi de ne pas labourer, l’itinéraire technique suivi était le suivant :
    • Récolte du méteil en ensilage mi-mai ou fin mai;
    • Epandage de fumier de bovin entre 20 et 30t/ha;
    • 2 passages de déchaumeur;
    • Semis en ligne à 3cm de profondeur;
    • Passage de rouleau;

Enfin, le semis tardif peut être intéressant pour détruire une prairie tout en limitant les risques de prédation par rapport au maïs. Un agriculteur, contraint depuis 3 ans « à faire des semis de sorgho dans le maïs après le 15 juin à cause des corbeaux », a donc décidé de semer un sorgho dès le début. « Ça m’a permis de nettoyer mon sol, de faire une transition entre la prairie et le blé derrière. J’espère que ça fera un bon précédent. »
La destruction de la prairie s’est donc déroulée ainsi :

    • Herbicide, déchaumage, labour;
    • Semis à la herse rotative;
    • 1 passage de rouleau;

ASSOCIER LE SORGHO À UNE LÉGUMINEUSE POUR ACCROÎTRE LE RENDEMENT ET LA VALEUR ALIMENTAIRE ?

Le sorgho étant une plante fourragère de fauche à port dressé et présentant une valeur alimentaire plutôt faible, les éleveurs ont souvent fait le choix de l’associer à une légumineuse afin d’augmenter le rendement (en comblant les trous, et en apportant de l’azote) et pour améliorer la teneur en protéines du mélange récolté.

Deux essais d’association ont été conduits sur une même parcelle d’alluvions filtrants à 1 an d'intervalle.

  • En 2020, l'agriculteur a semé du cowpea, légumineuse tropicale très résistante à la sécheresse, a raison de 15kg/ha pour 15kg/ha d’herbe du soudan. Malgré une année chaude et sèche, le cowpea a été très peu présent à la première coupe, 5 semaines après le semis début juin. La valeur alimentaire, et en particulier la teneur en protéines furent décevantes, comme on peut le lire sur le tableau suivant :

MS   

26.5%

MAT  

8.8%

CB  

32.5%

Valeur alimentaire d’un échantillon de la première coupe d’un mélange herbe du soudan + cowpea (en photo deux semaines avant récolte)

L’autre déception fut sur la deuxième coupe : le cowpea était alors complètement absent, il n’a pas repoussé après la première exploitation. Il semble donc que le cowpea ne soit pas adapté au climat normand actuel, même en année chaude. Cependant, d’autres causes sont possibles : type de sol qui ne lui convient pas (même si a priori cette plante affectionne les sols légers), ou encore absence de bactéries symbiotiques spécifiques.

  • En 2021 sur la même parcelle, l’éleveur a donc choisi d’associer une légumineuse d’implantation plus rapide, plus agressive pour ne pas être concurrencée par l’herbe du soudan et qui dispose d’une bonne capacité de repousse en été. Le semis réalisé le 12 juin comprenait donc 15kg/ha d’herbe du soudan et 15kg/ha de trèfle vésiculé. Même si en 2021, le rendement du mélange était inférieur, le trèfle vésiculé était bien plus présent dans le mélange et cela, dans les deux coupes.

Image14
Photographie prise le 18/07/2021.
Hauteur : 100-110 cm (feuilles non tendues)
Photographie prise le 10/08/2021.
Hauteur : 130 cm (feuilles non tendues)

 

 

 

Image15Un autre mélange a été testé par un éleveur de Seine Maritime :

25kg de sorgho pour 25kg de vesce et 12kg de trèfle d’alexandrie. Là encore en 2021, la chaleur n’était pas au rendez-vous et le rendement n’a été que de 5tMS (3tMS début août et 2tMS en deuxième coupe fin septembre). « C’est une année peu favorable donc le rendement est décevant. Du coup ça fait beaucoup de travail pour pas grand-chose. Mais c’est aussi l’année qui fait ça. »
En revanche, l’éleveur a été satisfait du résultat sur le trèfle, la culture suivante étant un blé : « Je suis content de la façon dont s’est implanté le trèfle. C’est une valeur sûre en tant que précédent. Le trèfle a recouvert la terre tout de suite. »

Photographie de mélange Sorgho, trèfle d'Alexandrie et
vesce deux semaines avant la première coupe.

IMPLANTER UNE PRAIRIE SOUS COUVERT DE SORGHO EN FIN DE PRINTEMPS

Enfin, certains éleveurs ont choisi le sorgho ou l’herbe du soudan pour accompagner l’implantation tardive d’une prairie. Ils ont pour objectif de la couvrir et de permettre une première exploitation dès l’été suivant l’implantation.

Deux essais ont été réalisés en 2021. La prairie et le sorgho (ou l’herbe du soudan) ont été implantés derrière un méteil ensilé, sans labour, avec deux déchaumages. Le semis a été réalisé début juin, en ligne, à deux profondeurs différentes : 3cm pour le sorgho et 1cm pour la prairie. Il a été suivi d’un passage de rouleau. La fertilisation était de 30t de fumier par hectare.

Dans un cas, le mélange a été semé sur une parcelle de sols argilo-limoneux. La croissance du sorgho a été faible : il dépassait à peine la prairie. Était-ce dû à un manque de châleur ou d’azote ? Il nous faudra plus de recul pour le déterminer. L’implantation de la prairie multi-espèce (fétuque élevée, dactyle, trèfles) a en revanche été très réussie : elle atteignait 70cm de hauteur fin août, pour une proportion de 50% de légumineuses et 50% de graminées en estimation visuelle. « J'imaginais une température chaude pour cet été... Finalement au lieu de récolter un sorgho en fleur, je récolte une prairie. »

 

sorgho prairie 23 août

Image18
Photographies prises le 23 août 2021 : Bon développement de la prairie et du couvert général.
La prairie est bien implantée, mais on note une présence importante de renouée (en raison de l’humidité ?).

 

Dans l’autre, la parcelle était hétérogène avec des sables alluvionnaires drainants et des sols vaseux plus humides. L’éleveur a alors constaté que les réussites de l’herbe du soudan et de la prairie étaient inversées après la première coupe fin août. Ainsi, là où l’herbe du soudan était la plus développée, l’implantation de la prairie était moins réussie, ou du moins plus tardive, puisqu’on observait quelques plantes en cours de levée. A l’inverse, là où la récolte d’herbe du soudan était faible, la prairie avait bien levé et était déjà développée. Est-ce parce que les conditions qui étaient favorables à la levée de la prairie (sols humides) l’étaient moins pour l’herbe du soudan et inversement ? Ou bien est-ce simplement dû à la concurrence de l’herbe du soudan sur la prairie dans les endroits moins développés ? Les deux paramètres ont dû intervenir. L’éleveur a choisi de réaliser un sur-semis dans les zones dégarnies.

 

sorgho prairie 23 août

Image18
Photographie 1 : zone avec bonne récolte en herbe du soudan. La prairie est peu visible.
Photographie 2 : zone avec un moins bon développement de l’herbe du soudan.
La prairie est bien visible.

 

Les résultats de ces deux essais tendent à montrer que le semis de prairie sous couvert de sorgho (ou d’herbe du soudan) permet de sécuriser la récolte d’un fourrage : en cas de conditions favorables à l’herbe (pluies régulières, absence de chaleurs excessives), la prairie s’implante bien et peut même prendre le dessus sur le sorgho. Ce dernier permet tout de même une récolte le premier été. Si les conditions sont plus favorables au sorgho (sol drainant, chaleur) alors il prend le dessus et permet de sécuriser la constitution d’un stock de fourrage. En revanche, il reste à étudier si le sorgho (ou l’herbe du soudan) s’est développé là où la prairie aurait eu de toute façon des difficultés à s’implanter, auquel cas il ferait office de « roue de secours », ou si c’est son développement qui a pénalisé la levée de la prairie, ce qui serait plus problématique.

 

Contact: Célie BRESSON

- 02 32 70 43 18