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Avez-vous déjà entendu parler de bousologie ? A votre avis quels rôles jouent les fèces de vos animaux dans le fonctionnement de vos prairies ? Pourquoi les bouses se dégradent plus vite dans les prairies de votre voisin ?  Certes, les bouses, ce n’est pas la partie la plus glamour de l’élevage, et pourtant elles jouent un rôle central dans le fonctionnement des prairies et dans la bonne santé des animaux. Alors aujourd’hui, on se pince le nez et on plonge dans le sujet !

Cet article s’appuie sur nos retours d’expérience au sein du Réseau CIVAM, ainsi que diverses sources dont notamment deux articles du Paysan Breton. Les sources utilisées sont disponibles à la fin de l’article.

Quand nos animaux jouent le rôle d’épandeurs…

normandesOn entend souvent cette phrase dans la bouche des éleveurs herbagers « nos animaux ce sont des barres de fauches à l’avant et des épandeurs à l’arrière ». Et en effet, une vache qui pâture restitue 80% de l’azote qu’elle ingère1. Une vache dépose en moyenne 13 bouses par jour ! Une montagne de fertilisants dont la dégradation joue en faveur de l’enrichissement d’un écosystème et du potentiel sol.

Les restitutions d’azote par les animaux au pâturage varient selon leur ration : une vache en système herbager restitue plus d’azote qu’une vache en ration de maïs équilibré1.  De manière générale, les bilans d’azote sur prairies pâturées (aucune fauche dans l’année) montrent qu’avec des prairies pourvues en trèfles (au moins 30% de trèfles), les restitutions des animaux peuvent permettre de couvrir la majeur partie des besoins de la prairie en azote, à condition d’avoir un chargement proportionnel au potentiel de la prairie (car plus le rendement de la prairie est important, plus les animaux exportent via le pâturage, mais aussi plus les animaux restituent pendant leurs périodes de pâturage). Le seul moment où l’on observe généralement un décalage entre l’azote fournit par les fèces et les besoins des plantes, c’est en sortie d’hiver, lorsque la pousse des graminées démarre alors que la minéralisation de l’azote et la fixation par les légumineuses sont au ralentie. 

Au-delà de l’apport d’azote et autres minéraux digérés par les animaux, la dégradation des bouses (et des pissats) des animaux permet d’améliorer les propriétés physiques des sols : stabilité structurale, aération du sol, augmentation du taux d’humus, réserve en eau.

Bien gérer son pâturage pour bien gérer sa fertilisation

bouse vache pixabay trukAu-delà de l’intérêt pour la valorisation de l’herbe et pour limiter les refus, la mise en place d’un pâturage tournant permet aussi de mieux gérer la fertilisation et l’entretien de ses prairies. En effet, en divisant les prairies en paddocks de taille réduite, on force les vaches à bien jouer leur rôle d’épandeur et à répartir de manière homogène leurs bouses et pissats sur la parcelle.

Au-delà de la taille et de la forme des paddocks, la position de l’abreuvoir joue aussi un rôle clé dans la répartition des bouses. En effet, les vaches ont tendances à souvent bouser aux alentours des points d’eau. C’est pourquoi, idéalement, il est souvent conseillé de prévoir un abreuvoir par paddock et de le positionner de manière centrale.

Les bouses : témoin de la santé et l’alimentation des animaux

A l’instar de la méthode Obsalim, l’observation des bouses des animaux fait partie des critères permettant de vérifier la bonne santé et la bonne alimentation de ses animaux. Pour cela on observe la consistance des bouses, leur taille, mais aussi ce qu’il reste : le non digéré, le visible, et palpable.

Une technique pour regarder ce qui n’est pas digéré dans les bouses consiste à rincer des bouses (par exemple un mélange de plusieurs bouses dont on prélève un échantillon) dans une passoire et observer ce qu’il reste (il faut rincer jusqu’à ce que l’eau qui ressorte de la passoire soit claire).

 

article bouses 1article bouses 2

 Rinçage d’un mélange de crottes de brebis pour observer les résidus non digérés

 

 

Une belle bouse de vache s’étale très peu. Elle a un diamètre de 30 cm environ pour quelques centimètres de hauteur. Elle est constituée de deux ou trois cercles concentriques. En son centre, on observe un cratère. Elle est homogène et plastique. Quand elle tombe, elle ne salit pas l’arrière de la vache. Elle ne contient pas de fibres supérieures à 5 mm et de grains.

Favoriser une bonne dégradation des bouses pour limiter les refus

La dégradation des bouses démarre dès l’arrivée de la bouse au sol et jusqu’à sa complète dégradation, avec l’action de toute une succession d’insectes : mouches, coléoptères, bousiers, vers de terre, etc. ; ainsi que les coprophiles : oiseaux, taupes, hérissons, renards… Ainsi tous ensemble ils participent à la bonne dérogation de la bouse et à son enfouissement dans le sol1 2.

Le temps nécessaire à la dégradation de la bouse varie selon le climat, la quantité d’azote disponible pour les microorganismes et l’abondance d’invertébrés dans le sol. « Par exemple, la pluie maintient une humidité et un état physique favorable à l’activité biologique. En son absence, une croûte protectrice se forme en surface et fait obstacle à la décomposition. D’où l’importance de maintenir un couvert végétal suffisant (résiduels) et dense (par le tallage) pour réduire la montée en température du sol. » (Source : Paysan Berton1)

D’autres facteurs peuvent expliquer une mauvaise dégradation des bouses au pâturage2 :

  • Un sol compacté réduit grandement l’activité et la diversité de la vie microbienne du sol, moteur de dégradation des bouses.
  • Un manque d’attrait de la bouse pour les auxiliaires, à relier au type et à la qualité du fourrage ingéré. Par exemple une ration mal digérée, trop riche en carbone (comme ça peut être le cas avec des rations à base de maïs) peut entrainer des bouses qui se dégradent mal.
  • Le passage trop fréquent de l’ébouseuse après pâturage qui, en étalant la bouse, amène à casser le cycle de nourriture mais aussi de reproduction de nombreux invertébrés essentiels à l’écosystème prairial (notamment les bousiers).
  • Un chargement animal trop important combiné à une grande part d’affouragement à l’auge cause un surplus de fèces sur une surface limitée. Cela peut amener à des blocages de dynamique de dégradation de la matière organique et à des bouses qui s’accumulent sans se dégrader.
  • Suite à l’usage d’un vermifuge à large spectre, la mortalité aiguë, surtout présente sur les larves d’insectes, rend les déjections bovines stériles pendant plusieurs semaines après traitement à forte rémanence (ivermectine).

 

 

De la bouse au refus

La mauvaise dégradation des bouses pénalise la bonne gestion des prairies puisque que ça favorise les zones de refus. Ces refus résultent de l’amertume qu’émet la bouse. Le cas classique sur les prairies ce sont les touffes de dactyle qu’on observe souvent au niveau des bouses du tour de pâturage précédent. Dans ce cas deux effets se cumulent : le dactyle qui repousse plus rapidement que le ray grass et qui est donc souvent à un stade déjà trop avancé pour être appétent lorsqu’on revient sur la parcelle, et l’amertume liée à la proximité de la bouse qui finit de dissuader les animaux d’en manger. Pour citer un éleveur, curieux du goût des graminées : « Avez-vous déjà essayé de goûter un dactyle sur une zone de refus ? Et bien essayez, vous comprendrez pourquoi les vaches n’y touchent pas ! ».


 

 

 

Pour aller plus loin :

  1. Maîtrise des flux d’azote dans la gestion des prairies et du pâturage en systèmes laitiers intensifs, INRA 2008, Peyraud Delaby
  2. https://www.paysan-breton.fr/2018/09/remettre-les-bouses-au-milieu-du-paddock/?fbclid=IwAR0hxZjJUv7mUxr9GP7iyDZ1XuB1-nsv33nsMtrZUaHcZUgx3isAj3DcdKU
  3. https://www.paysan-breton.fr/2020/03/halte-aux-refus-au-paturage/?fbclid=IwAR0xmSmGQhDwBN1xUVHkb3J8S1trrXRTcL88KhxdzcTbtrg9DNFrsvrsNr8
  4. Sur l’observation des bouses : http://rumitech.eklablog.com/etude-des-bouses-bousologie-c110562

Sur la méthode Obsalim : https://www.obsalim.com/presentation-methode.htm