Crédit photo : © Unsplash
La date de la première mise à l’herbe est un moment important pour la suite du cycle de pâturage. Nous vous parlions dans le panse-bête de mars 2024 (disponible ici) de l’importance du déprimage (nettoyer les parcelles en sortie d’hiver, favoriser les légumineuses et créer un décalage de pousse) mais 2024 nous a montré l’importance de piloter la date de sortie des animaux et la date du démarrage de la saison de pâturage. En effet la pousse de l’herbe au printemps 2024 a été lente à démarrer, et pour les fermes au chargement important, le repère du 15/04 pour le démarrage de la saison de pâturage a pu entrainer du surpâturage avec des répercussions sur l’ensemble de la saison de pâturage. Plusieurs paramètres permettent de piloter la mise à l’herbe.
La portance des sols
La portance des sols est véritablement le facteur limitant de la mise à l’herbe ! En effet, même si les degrés jours ou tout autre critère montrent que les bovins peuvent accéder aux prairies, si le sol n’est pas portant, il est vivement déconseillé de sortir ses bêtes, sous peine de s’exposer à une perte de confort pour ses animaux et une perte d’appétence à cause de la souillure de l’herbe.
Pour les végétaux, une sortie des bovins en conditions non portantes peut entrainer une baisse de production pour le cycle suivant et favoriser le développement d’espèces moins appétantes pour les animaux qui vont coloniser les trous laissés par les traces de pattes. Cela peut être préjudiciable pour le sol qui risque d’être tassé avec des impacts négatifs pour le développement de la végétation et l’infiltration de l’eau.Ce phénomène résulte de plusieurs paramètres : la nature du sol, la compacité du sol et la présence d’eau. Cela dépend des conditions locales, d’où l’importance de bien observer ses parcelles.Pour pouvoir évaluer la portance il y a différentes techniques qui peuvent être appliquées :o Un coup de talon sur le sol, si le talon s’enfonce de plus de 5 cm, la portance n’est pas suffisante pour sortir des bovins.o Si les animaux s’enfoncent de plus de 7-9 cm (à peu près la longueur de nos doigts) c’est que la portance n’est pas suffisante.
Les degrés jours : cela consiste à comptabiliser les degrés Celsius dont l’herbe a pu bénéficier pour sa croissance et ainsi connaitre son stade qui nous permettra de savoir si elle peut être pâturée. Voici donc les différents stades de l’herbe et les degrés jours qui correspondent à chacun d’entre eux.
Pour calculer ces degrés jours, il suffit d’additionner la température maximale et la température minimale d’une journée puis de les diviser par 2 pour en obtenir une moyenne.
- Si la moyenne est comprise entre 0 et 18°C on comptabilise alors la valeur trouvée.
Une fois cette moyenne trouvée on va venir l’additionner aux moyennes des jours précédents (tableau ci-dessous) sachant que l’on ne débute qu’à partir du 1er février.
On parle donc ici de somme de degrés jours base 0°C.
On estime que c’est à partir de 300 à 350°jours que l’on peut commencer à sortir ses bovins.
Il n’existe pas à notre connaissance de sources permettant d’obtenir directement la somme de degré jours mais le calcul est simple à faire à partir des températures moyenne que l’on peut obtenir sur les sites météo. Sinon on peut aussi utiliser le début de floraison de certaines plantes qui correspondent à une somme de degré jour.
Par exemple :
Les hauteurs d’herbe
Si plusieurs avis divergent sur les hauteurs de sortie et l’impact négatif lié à une hauteur de sortie trop basse, l’importance de respecter une hauteur d’entrée suffisante lors des tours de pâturage semble faire consensus. En bovin lait on fera en sorte d’entrer dans une herbe à 15-17cm (10-11 cm herbomètre) et en bovin viande on pourra entrer dans une herbe à 18-20 cm (12-13 cm herbomètre).
L’objectif en pâturage tournant est donc de terminer le déprimage (c’est le seul moment où on ne fait pas attention à la hauteur d’entrée en estimant que les bénéfices du déprimage compensent une hauteur d’entrée trop faible) lorsque la première parcelle est arrivée à la bonne hauteur.
La quantité de fourrages mise à disposition lors du déprimage permet de piloter la vitesse à laquelle il est réalisé. Sans que cela soit facile à atteindre, l’optimum est de faire son déprimage en tournant lentement pour arriver sur la première parcelle lorsqu’elle est au bon stade.
Si arriver trop tôt sur la première parcelle peut engendrer du surpâturage, arriver trop tard risque d’engendrer un phénomène de débordement par l’herbe et de l’herbe qui aurait pu être pâturée devra être récoltée.
Impact du chargement
Les systèmes les moins chargés (à potentiel de sols égal) offrent plus de souplesse dans la gestion du surpâturage. En effet, un léger surpâturage en début de saison pourra être compensé par un temps de retour plus long par la suite. En revanche, les systèmes plus chargés n’auront pas ce luxe et risquent d'entrer dans un cercle vicieux de surpâturage, avec une diminution du temps de retour. Dans les systèmes très chargés, il est donc préférable, du point de vue de la pousse de l'herbe, de faire preuve de prudence quant à la date de mise à l'herbe. À l'inverse, dans un système extensif, c'est le risque de se faire déborder par l'herbe qu'il faut éviter, d'où l'importance de sortir dès que la portance le permet.
Mise à l’herbe chez Albéric Avenel (Manéglise)
« Je fais pâturer mes vaches laitières tout l’hiver et le critère principal est la portance. Je fais en sorte que mes vaches ne restent que 2 jours par paddocks en hiver pour ne pas les abimer. J’ai 27 paddocks donc un temps de retour de 55 jours, ce qui est un peu limite en hiver et j’ai pour objectif d’agrandir la surface en prairies accessibles aux vaches. Tant que je n’ai pas de hauteur d’herbe suffisante et que la météo n’est pas au rendez vous pour la pousse de l’herbe, je distribue à l’auge pour que mes vaches restent 2 jours. Puis le moment de la pleine pousse de l’herbe venue, mes paddocks permettent de nourrir mes vaches pendant une journée. Lorsque la portance des sols est limite, je considère que rester plus de 2 jours par paddocks est plus néfaste que d’entrer avec une hauteur d’herbe trop faible.
Pour mes génisses j’ai le repère de 200°Cj pour mes apports d’azote (via cet outil). Ensuite il faudrait que je continue de piloter avec les °C j mais je n’ai pas d’outil pour les calculer donc je sais à peu près que 2-3 semaines après les 200°Cj je peux commencer le déprimage pour commencer le vrai pâturage début avril. Cette année est tardive donc j’aurais peut-être dû retarder la mise à l’herbe de 10 jours mais les conditions de portance, d’ensoleillement et de températures étaient réunies pour que je puisse les sortir début mars quand même. Sachant que l’année est tardive, je reste attentif et si je vois que j’arrive à la fin du déprimage avant que la pousse de l’herbe ait commencé, j’affouragerai à la parcelle pour ralentir en attendant que la saison commence. »