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Comment adapter son système au changement climatique ? L'agroforesterie apparait comme l’une des réponses. Son principe est de faire cohabiter les grandes cultures et les arbres afin d’en retirer le maximum d’avantages. Pratiquée depuis des milliers d'années, elle rend de nombreux services écosystémiques pour les sols, la biodiversité, la ressource en eau, le bois d'œuvre, le bois énergie, le paysage, le patrimoine, les enjeux climatiques, le bien-être animal. Les haies péri-parcellaires sont une forme d’agroforesterie. Elles jouent un rôle essentiel dans l’écosystème et peuvent remplir de multiples fonctions pour l’environnement comme pour l’agriculteur.

Les avantages des haies

Impacts positifs sur les rendements des cultures

C’est sûr, aux abords immédiats de la haie, les rendements sont plus faibles. Mais il ne faut pas s’en tenir là, car de nombreux agriculteurs observent une augmentation des rendements dans les zones légèrement plus éloignées ! Ces facteurs dépendent du type de haie, de sa position, de sa taille, de la culture et de l'année. Plus les conditions pédoclimatiques sont difficiles, plus l'effet des haies est positif. Avec l'évolution du climat, les haies, oasis d’humidité, deviennent de plus en plus intéressantes pour les rendements des cultures, notamment dans les départements de l’Eure et de la Seine-Maritime.

Exemples d'augmentation des rendements de plusieurs cultures avec les haies, Soltner, 1977

Impacts positifs sur les animaux 

Les haies ont également des effets bénéfiques sur les animaux, notamment en termes de confort thermique. Elles leur permettent de s'abriter des vents froids et humides en hiver, ainsi que de la chaleur en été. Les animaux dépensent moins d’énergie et limitent leur consommation d’eau. Les bénéfices vont même plus loin : en favorisant le temps d’ingestion de nourriture des ruminants, les haies ont un effet positif direct sur la production de lait pendant les fortes chaleurs !

Les arbres et arbustes peuvent également améliorer le confort des animaux en étable. En effet, les microclimats créés par la végétation apportent isolation et gardent la fraicheur aux abords des bâtiments. Il convient cependant de gérer la distance pour éviter que les feuilles ne bouchent les gouttières.

Enfin, les haies peuvent être utilisées comme arbres fourragers. Certaines essences comme le mûrier blanc ont des feuilles de grande valeur alimentaire. Bien sûr, la pratique est encore à affiner. Des questions subsistent quant à l'intégration de ces feuilles dans la ration, à la conduite des arbres et à la période optimale pour les consommer. C’est pourquoi, de nombreux essais sont en cours.

Impact positif sur le sol 

Les haies, grâce à leurs racines, limitent l’érosion (entre 48% et 85% de réduction de perte en terre à l’échelle de la parcelle), augmentent l’infiltration de l’eau dans le sol et développent la fertilité (grâce à une plus grande présence de vers de terre jusqu’à 100m autour de la haie). Du point de vue de l’agriculteur ou de l’agricultrice, les haies sont donc de puissantes alliées pour conserver le capital du sol et réduire les travaux liés à l'érosion (comme la création de ravines).

Protection de la ressource en eau 

En premier lieu, les haies permettent une meilleure infiltration et absorption de l’eau dans le sol. Elles ont également un autre avantage et non des moindres : la dénitrification ! Cependant, pour qu’il y ait une réelle incidence sur l’eau, il faut que les haies quadrillent le territoire, même au-delà de la parcelle. Une haie isolée a peu d'impact, leur force est réellement tangible en réseau.

Rôle positif sur la biodiversité notamment auxiliaires de culture 

Les haies sont également des hôtes parfaits pour de nombreux insectes auxiliaires de culture. Elles offrent le gîte et le couvert, favorisant ainsi leur reproduction. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : 9 auxiliaires sur 10 doivent nécessairement sortir des champs pour survivre ! Et les ravageurs ? Ont-ils aussi besoin des haies ? Oui mais dans une moindre mesure, c’est indispensable uniquement pour 1 ravageur sur 2. Résultat : sans haie ou bande fleurie aux abords des champs, ce sont les ravageurs qui sont favorisés !

Face au changement climatique, la résilience des systèmes agricoles passe par la diversité des auxiliaires. En effet, si la parcelle comptait la présence d’un seul auxiliaire et que ce dernier soit perturbé par une température élevée, le ravageur resterait sans prédateur. Il faut donc s’assurer d’avoir la présence de plusieurs auxiliaires prédateurs pour un ravageur. Alors comment favoriser cette biodiversité ? Les haies ou les bandes fleuries sont une partie de la réponse. Mais encore une fois, c’est la connexion entre les espaces refuges qui fait l’efficacité. Par exemple, les carabes, prédateurs notamment des pucerons, ont un rayon d'action d'environ 50 mètres. Pour leur permettre d’agir sur l’ensemble de la parcelle, il faut donc qu’elle soit aménagée d’espaces refuges tous les 50 mètres.

Stockage du carbone 

Les haies contribuent également au stockage du carbone, mais il convient de relativiser les chiffres en fonction de l'utilisation du bois. Si le bois est brûlé, le CO2 est libéré dans l'atmosphère. Dans ce cas, il faut prendre en compte le CO2 économisé grâce à la substitution des énergies fossiles par le bois.

Valorisation du bois 

Le bois peut être valorisé de différentes manières : bois énergie (sous forme de plaquettes), bois d'œuvre ou comme amendement sous forme de Bois Raméal Fragmenté (BRF). L’amendement favorise le fonctionnement fongique du sol, ce qui est bénéfique pour la circulation de l'eau et des minéraux. Cependant, il crée une demande accrue en azote la première année. Enfin, le bois peut être utilisé comme litière pour les animaux en bâtiment ou sur les zones de piétinement des parcelles.

En conclusion, les haies sont de véritables atouts pour les fermes. Elles contribuent à la préservation des sols, à la protection de l'eau, à la promotion de la biodiversité, au stockage du carbone et à la valorisation du bois. De plus, elles ont un impact positif sur le bien-être animal. Cependant il faut anticiper les plantations de haies pour pouvoir en bénéficier le plus tôt possible : le changement climatique est en cours et c’est aujourd’hui qu’il faut planter les haies pour en atténuer les effets à l’avenir.

Les haies continuent de diminuer en France

Malgré tous ces avantages et en dépit des incitations au maintien et à la replantation le linéaire de haie continue de diminuer en France… Une haie isolée sur une parcelle a beaucoup moins d’intérêt. C’est la connexion des espaces, le réseau qui est important afin de créer une vraie continuité écologique. La France de 1975 comptait 1 244 110 km de linéaire de haies. Le remembrement a fait s’effondrer ce chiffre de 43% en 1987 !

La Normandie n’échappe pas à cette tendance :

diminution haies

Si pour certains, les contraintes générées par les haies apparaissent plus évidentes que leurs bénéfices, les effets du dérèglement climatique mettent en évidence leurs nombreux avantages

Comment les mettre en place et les entretenir ?

Dispositifs d’accompagnement : Plusieurs dispositifs d’aide à la plantation existent et les aides publiques (région ou département, appels à projets ponctuels) peuvent se cumuler avec des financements privés (Carbolocal). Si vous avez un projet de plantation de haies et que vous souhaitez vous faire accompagner, n’hésitez pas à contacter votre animateur ou animatrice BAC qui vous renseignera sur les accompagnements financiers et techniques.

Entretien des haies : l'entretien durable des haies nécessite des outils adaptés. L'épareuse est recommandée pour une taille annuelle en vert, en évitant de l'utiliser sur les parties lignifiées des haies. Le lamier à fléaux est adapté à une taille tous les 3 à 5 ans, ce qui est recommandé pour préserver la qualité des arbres. Quant au lamier à scie, il est considéré comme un "outil de la dernière chance" pour récupérer des arbres délaissés.

Pour en savoir plus sur la mise en place et l’entretien des haies : Lire notre article de décembre 2022.