Désherbage mécanique du maïs, une alternative à l’utilisation des produits phytosanitaires

: Mis à jour : 3 octobre 2023

Essais de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sur un bassin versant via l’accompagnement au désherbage mécanique de maïs.

Depuis 2021 sur le bassin versant de la Rouvre, les agriculteurs CIVAM du groupe Rouvre travaillent en collaboration avec le Syndicat d’eau locale (SDE61). Différentes formations ont été financées, ainsi que des essais. Cette année, dans le contexte de forte pollution des eaux de surface au S-métolachlore (un désherbant de prélevée et racinaire en maïs), un accompagnement et suivi au désherbage mécanique de maïs ont été proposés sur la zone du bassin versant par le SDE61. Pour ce dossier, nous nous sommes associés à Bio en Normandie et aux CUMA pour assurer un suivi complet. L’objectif était d’accompagner 15 agriculteurs sur le territoire et d’atteindre un minimum de 30% de réduction des indices de fréquence de traitement (IFT) dans les parcelles suivies.

Une formation et des suivis de parcelles proposés par plusieurs organismes

Tout d’abord, les agriculteurs ont suivi une formation dispensée par Agrobio 35 en e-learning de 4h en hiver. Puis, ils ont continué par une formation en présentiel avec David Roy (animateur et spécialiste du désherbage mécanique à Agrobio 35) sur les réglages techniques des outils, les stratégies d’intervention ainsi que les marques et outils adaptés. Enfin, des démonstrations ont complété la théorie.

Ensuite, les agriculteurs volontaires ont eu un suivi de 5 à 10 ha de maïs de mi-avril, avant le semis, à la mi-juillet. Lorsque les agriculteurs n’avaient encore jamais utilisé les outils de désherbages mécaniques, un conducteur de Cuma venait en renfort pour aider aux réglages des outils et aux premiers passages.

Pour le suivi de l’évolution des parcelles, 3 à 10 visites par parcelle ont été réalisées :

1 à 2 visites dans les 0 à 7 jours après semis pour le passage de herse étrille à l’aveugle ;
1 à 2 visites dans les 7 à 15 jours après semis pour passage roto-étrille ou houe rotative au stade cigare ;
1 à 2 visites aux stade 3 à 7 feuilles pour les passages de bineuse ;
De plus une observation systématique par semaine était organisée.

Malgré des conditions météorologiques peu favorables, des résultats très satisfaisants

Les parcelles en AB ou en cours de conversion ont gardé leur IFT à 0 avec des parcelles propres. En effet dans ces systèmes les leviers de reconception des systèmes de cultures ont déjà été mobilisés, les parcelles de maïs sont déjà en rotation avec des périodes de prairies de plusieurs années.

Dans les parcelles en conventionnel, les maïs ont bien été semés plus profondément (à 4-5 cm) mais pas plus tardivement (à cause des périodes de semis des autres parcelles de l’exploitation). Les conditions climatiques de fin avril début mai étaient peu favorables cette année : de nombreuses pluies plus ou moins fortes selon les secteurs n’ont pas toujours permis les premiers passages d’outils assez précocement. Les faibles températures ont ralenti la croissance du maïs et les conditions hydriques ont favorisé la flore spontanée. Malgré tout, les premiers passages d’outils ont été efficaces. Aucun passage de produits phytosanitaires en prélevée n’a été réalisé, donc pas d’utilisation de S-metolachlore ! Par la suite, les pluies ont continué de compliquer les fenêtres météo pour le désherbage mécanique.

« La partie gérée mécaniquement était plus propre que la partie gérée chimiquement »

Dans une des deux fermes conventionnelles, malgré un passage de herse étrille à l’aveugle (trop tardif à cause des pluies), une des deux parcelles suivies en rotation maïs-maïs a eu un rattrapage chimique fin mai au stade quatre feuilles. Pour faire un test, trois rangs n’ont pas eu de rattrapage chimique, mais un passage de roto étrille à la place. Dix jours plus tard, la partie gérée mécaniquement était plus propre que la partie gérée chimiquement dans laquelle l’herbicide commençait tout juste à faire effet (Cf. photo).

Parcelle en rotation maïs-maïs, à gauche maïs traité chimiquement après 1 passage de herse étrille trop tardif lié aux conditions météo. A droite 2ème passage d’outil mécanique avec roto étrille très efficace. Photo prise 10 jours après ces interventions.

L’autre parcelle de cette ferme en rotation maïs-blé a eu un rattrapage chimique au stade 4-5 feuilles sur le tour de parcelle, puis le reste de la parcelle stade 5-6 feuilles. En effet le passage de bineuse a été compromis par des écartements de lignes de semis entre les rangs pas toujours égaux, induisant un risque d’arrachage si toute la parcelle était binée. Sur cette ferme, il y a donc un rattrapage chimique à la même dose que le 2ème passage habituel d’herbicide, mais pas de premier passage d’herbicide. Donc réduction des IFT de 50%. Une autre parcelle de 8 ha en plus des essais a eu un passage de herse étrille en première intervention, donc réduction des IFT sur un peu plus de surface que les seuls essais.

desherbage mais 3 Dans l’autre ferme conventionnelle, après le 1er passage de herse étrille à l’aveugle, 2/3 de la parcelle ont été traités chimiquement au stade 4-5 feuilles par crainte de l’agriculteur de perdre en rendement. Le 1/3 restant géré mécaniquement (2ème passage herse étrille stade 4 feuilles et 1 binage stade 7-8 feuilles) est resté aussi propre que celui géré chimiquement. Mais cela a permis de rassurer l’agriculteur pour qui le désherbage mécanique était une première, et d’avoir une comparaison visuelle dans la parcelle. Ici les IFT ont pu être réduits de 50% sur 2/3 de la parcelle en évitant le 1er désherbage à l’aveugle, et réduits de 100% sur 1/3 de la parcelle géré en mécanique uniquement. Ces résultats ont été facilités par une précédente prairie de 4 ans, et une parcelle très caillouteuse, se ressuyant facilement pour les passages d’outils malgré les pluies.

Les prairies dans la rotation sont un atout indéniable pour la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaire en cultures. Cf graphique d’Agrobio 35.

Conclusion 

Au 20/06 état des différentes parcelles, de gauche à droite : ferme en conventionnelle rotation maïs-maïs, ferme en conventionnelle précédent 4 ans de praires, ferme en conversion précédent prairie 4 ans, ferme en conversion précédent prairie 10 ans, ferme en AB en transmission précédent méteil, ferme en AB précédent prairie et luzerne.

Une première année de lancement très satisfaisante en termes d’atteinte d’objectifs malgré des conditions météorologiques peu favorables qui auraient pu permettre d’améliorer encore les résultats. La restitution finale de cet essai aura lieu en octobre – novembre, après les ensilages.

desherbage mais 1 Sur plus de 120 agriculteurs concernés par la zone du bassin versant, et malgré une communication massive, seuls 6 se sont lancés dans l’aventure ! 2 étaient en conventionnels, 2 en cours de conversion AB, et 2 agriculteurs étaient en AB (dont l’un en phase de transmission avec un jeune peu coutumier du désherbage mécanique). Cela nous a interrogé sur les motivations des agriculteurs conventionnels à faire évoluer leurs pratiques sur des zones sensibles et zone de captage d’eau potable. Et plus globalement à l’avenir des pratiques agricoles. Car malgré la mise en place du Plan Ecophyto, les ventes et l’usage des produits phytosanitaires de synthèse continuent inexorablement d’augmenter en France… L’objectif annoncé en 2018 par le gouvernement de réduction de 50% d'usage des produits phytosanitaires pour 2025 est donc loin d’être atteint.

En parallèle, les attentes sociétales, la prise de conscience et les récentes études démontrant les impacts sanitaires négatifs de ces produits, et les évolutions réglementaires incitent fortement à un changement des pratiques agricoles. Qu’en sera-t-il dans les années à venir ?

Démonstration désherbage mécanique herse étrille sur céréales chez Romain Enée le 7 mars, lors de l’intervention de David Roy d’Agrobio35.

En ce qui concerne ce projet, les agriculteurs accompagnés ont été très motivés malgré des moments d’appréhension parfois. Nous espérons que la mobilisation locale s’améliorera d’année en année via ce programme qui devrait se prolonger sur 3 ans minimum.

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