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La ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou ouvrait ses portes le 16 mai. La ferme en polyculture-élevage / bovin allaitant / agriculture biologique mène des essais depuis plus de 20 ans. La recherche est orientée pour tester des pratiques économes et adaptées aux changements climatiques. Le Réseau des CIVAM normands était présent à travers un groupe d’adhérents et deux salariés, notamment grâce au projet Reine Mathilde qui finançait le trajet.

La porte ouverte était l’occasion de restituer le résultat d’essais menés sur les dernières années (souvent entre 3 et 5 ans d’essais), sous formes d’ateliers et de conférences. Les conférences sont à retrouver en ligne sur leur chaine Youtube. Sans pouvoir restituer l’ensemble des informations communiquées sur la journée, nous voulions partager un focus sur l’essai de croisement réalisé entre leur race historique, la Limousine, et les Angus via l’arrivée d’un taureau en 2019.

Le constat : une inadéquation entre offre et demande et des limites techniques

Le croisement a été effectué pour répondre au constat que la viande consommée en France est principalement de la viande d’animaux finis, tandis que notre production est tournée vers les jeunes animaux. Ce qui se traduit par le fait que 85% de nos exportations de viande sont des broutards et 80% de nos importations sont des animaux finis. La question de terminer en France plus d’animaux se pose alors.

De plus, les Limousins, ainsi que d’autres races « classiques » de nos élevages allaitants, ont des génétiques tardives à gabarit élevé et demandent du temps pour l’engraissement - qu’il s’agisse des bœufs ou des vaches de réforme - mais aussi une quantité importante de concentrés à base de céréales. La combinaison de ces facteurs entraine des charges alimentaires importantes, à tel point que la question de la rentabilité des derniers mois d’engraissement pose question.

Enfin, la filière cherche à s’adapter aux nouvelles habitudes de consommation de viande, et cherche des animaux jeunes et à petites carcasses.

La piste : travailler sur la précocité

La précocité est l’aptitude que possède un type génétique à réaliser rapidement l’état adulte.

Les bovins déposent les tissus adipeux après les autres tissus (nerveux, osseux et musculaire). La phase de finition correspond donc à la phase où le GMQ est principalement lié à la dépose de ces tissus adipeux. Si cette finition intervient « tôt », l’animal pourra être abattu à un âge plus précoce et aura une carcasse plus légère.

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L’essai : utiliser un taureau Angus sur des génisses Limousine pour produire des bœufs

Pour tester la piste, un taureau Angus a été mis à la reproduction sur des génisses Limousines. Le choix de la race Angus a été motivé par la taille réduite des veaux à la naissance. Cette taille réduite est adaptée au vêlage 2 ans pratiqué sur la ferme. Deux itinéraires ont été testés :

  1. Finition en 27 mois à l’herbe pour les animaux nés au printemps avec un total de 160 kg de concentrés consommés par animal sur leur carrière.
  2. Finition à l’auge en 24 mois pour les animaux nés à l’automne avec un total de 420 kg de concentrés consommés par animal sur leur carrière.

Voici quelques résultats à retenir :

La conduite des animaux nés au printemps est satisfaisante, avec une phase de finition principalement au pâturage après une période de bale-grazing où les GMQ ont été limités. Donc, l’engraissement se fait aussi grâce à une période de croissance compensatoire.

La précocité a bien été observée, avec des GMQ  plus importants au début de la phase d’engraissement pour les animaux croisés que les bœufs Limousins purs, mais un déclin de ces GMQ bien plus précoce que pour les Limousins, ce qui était attendu car les croisés sont finis plus tôt et ont des plus petites carcasses.

La conformité des carcasses était bonne, comparable aux animaux non croisés.

Les qualités organoleptiques de la viande croisée étaient très bonnes : plus de persillé, plus de marbré pour les femelles, pas de différence de couleur, une meilleure tendreté (premier critère de qualité du point de vue des consommateurs) le tout comparé à de jeunes Charolaises (lot de 12 animaux, 4,9 ans, 385 kg, R=, 3=) qui représentent les plus grands effectifs à la commercialisation.

Il y a très peu de différence entre les mâles et les femelles.

Approche économique : comparaison de 3 scénarios

L’approche économique s’est faite en comparant l’utilisation de 16 ha de surface par 3 scénarios différents :

  1. La surface sert à engraisser 20 animaux croisés Lim x Angus
  2. La surface sert à engraisser 13 bœufs Limousins
  3. La surface sert à maximiser les vêlages (12 vêlages supplémentaires par an)

Voici le résultat, en faveur du scénario croisés :

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Conclusions et perspectives

  • L’hypothèse de précocité est vérifiée et permet de produire de la viande de qualité de façon plus rapide qu’avec les races tardives.
  • Niveau économique, ce modèle tient la route même avec un prix au kilo plus faible grâce à des animaux adaptés au pâturage qui permettent de maximiser la valorisation des prairies. L'effort moindre de capitalisation, non chiffré dans l’étude, est un autre argument en faveur du système croisé.
  • Les animaux sont plus robustes et acceptent des conditions météorologiques que d’autres races n’acceptent pas.

Une question qui n’est pas évoquée dans l’essai, mais qui nous questionne, est celle de l’engraissement d’animaux croisés issus de la filière lait, pratiquée par certains éleveurs du territoire.