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S’installer en collectif, ouvrir sa ferme à d’autres activités… Il existe de multiples raisons de l’envisager, et diverses façons de le faire.  Parfois, des fermes ouvrent leurs portes à davantage d’associés pour pouvoir faire face à la charge de travail, se partager les astreintes et bénéficier de week-ends libres. Parfois encore, il s’agit de mettre quelques hectares à disposition d’une nouvelle personne qui pourra, après une phase de test de son activité, s’installer sur ces terrains, dans une perspective d’entraide entre les deux fermes.

Dans le cas de la ferme du Temple, l’objectif initial est différent. Sur sa ferme de 180 ha en polyculture-élevage près de Dieppe, Gautier Fihue possède un troupeau de 70 vaches laitières kiwi et élève des bœufs croisés Angus. Son installation, suite au départ de son père, a entrainé un changement de système (moins de vaches, davantage en plein air, plus d’herbe et moins de cultures) ce qui a laissé plusieurs bâtiments sans usage.  En parallèle, Gautier souhaitait ne plus travailler seul, valoriser ses productions in situ (blé, orge, lait, etc.) et participer à la dynamisation de son village et du territoire alentour. Il a ainsi eu l’idée d’accueillir des activités au sein de ces bâtiments libres.

Au gré des rencontres, il a d’abord fait connaissance avec un brasseur intéressé pour développer son activité sur la ferme. Gautier n’étant pas propriétaire des bâtiments, il a donc investi pour le compte du propriétaire pour réhabiliter la toiture ; le propriétaire a ensuite mis en location le bâtiment sous forme de bail commercial agricole à prix très réduit, et l’aménagement intérieur a été réalisé à la charge de l’artisan, plutôt en auto-construction. Un boulanger s’est ensuite installé dans un bâtiment en face de la même manière, Gautier ayant cette fois-ci réalisé des travaux de dalle. Un apiculteur pose également ses ruches sur la ferme depuis quelques années. Récemment c’est une céramiste qui est venue investir une autre partie de bâtiment.

Toutes ces activités sont réalisées au sein d’entreprises différentes. Pour autant, « Il y a une vraie plus-value à être en collectif » selon Gautier. En effet, les mutualisations sont nombreuses : « prêt de matériel (partage des frais d’entretien), prêt de main d’œuvre et entraide, organisation de marchés à la ferme, pollinisation par les abeilles, etc. » Pour l’instant, encore peu de blé et d’orge de la ferme de Gautier sont utilisés par le brasseur et le boulanger : le temps et les couts sont encore limitants pour le triage et la meunerie. Tous espèrent pouvoir développer davantage cet aspect et pourquoi pas accueillir de nouveaux porteurs de projets pour ces activités, voire d’autres : arboriculture, cochons…

Toute cette énergie humaine permet aussi d’organiser des évènements sur la ferme, afin de créer plus de lien entre milieu agricole et citoyens, sensibiliser au bien manger, et se faire plaisir : organisation de fermes ouvertes Vachement Dépaysant, marché à la ferme, accueil de scolaires, festival Temple Fest, etc. Être à plusieurs, c’est « aussi partager l’enthousiasme de chacun » !

Afin de structurer davantage ce collectif et faciliter l’organisation de ces événements, les artisans et Gautier ont créé en 2023 une association, qui gère également les espaces communs (cuisine, salle de réunion) : « plus ça se développe, plus on ressent le besoin qu’il y ait un cadrage et du temps dédié ». Gautier ajoute « on pense d’ailleurs se faire accompagner pour travailler à ce qu’on souhaite faire du collectif et s’assurer que les objectifs communs sont partagés. Mais aussi pour travailler à la transmission : on peut chacun être amené à arrêter notre activité : comment transmettre notre activité individuelle, sans pénaliser le collectif ? On commence à réfléchir à un modèle coopératif pour aller plus loin ».

En 2024, Gautier travaille avec un porteur de projet à l’intégration d’une activité de transformation fromagère du lait produit par la ferme. Un bel exemple de mutualisations qui coutent peu, et qui rapportent beaucoup en termes de solidarité et de dynamiques rurales !