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Guillaume (CIVAM) et Victor Leforestier (au centre) dans son champ de lin après prairie. © Élodie Martin Abad

Alors que l’intérêt des prairies dans les systèmes d’élevages est établi, voit-on poindre un gain d’intérêt pour l’introduction de prairies temporaires au service des cultures ? C’est la question que nous sommes en droit de nous poser après l’étude que nous avons menée sur les nombreux intérêts des prairies pour la suite de la rotation. Bien implantées, gérées et détruites, les prairies améliorent la structure du sol, apportent de l'azote, augmentent le taux de matière organique et réduisent la pression des adventices pour la suite de la rotation. Au cours de cette étude, nous avons enquêté 20 agriculteurs haut-normands pour comprendre leur utilisation de la prairie temporaire dans leur système. C’est le témoignage de l’un d’entre eux, Victor Leforestier, basé à Erménouville (76), que nous partageons ici.


Le témoignage de Victor Leforestier :

Qu’est-ce qui vous a motivé à réintroduire des prairies dans la rotation ?

Victor : Cela fait déjà pratiquement 20 ans que nous sommes en TCS (techniques culturales simplifiées). Mes parents ont fait ça suite à l’observation de la dégradation des sols, qui sont bons mais sensibles à l’érosion et des impacts négatifs pour la qualité de l’eau. À l’époque, nous nous sommes beaucoup intéressés aux couverts que nous avons mis en place. Puis en 2019, nous avons entamé une conversion au bio et la prairie temporaire dans la rotation devenait une évidence pour gérer la pression des adventices. Depuis, je dé-convertis mes surfaces en bio, mais je conserve les prairies temporaires dans la rotation car c’est un levier vraiment efficace pour améliorer mes sols, notamment augmenter le taux de matière organique. Vu l’impact des pommes de terre sur le sol, il faut que mes 4-5 années qui précèdent cette culture soient irréprochables en termes de gestion du sol et la prairie temporaire me le permet.

Quels résultats avez-vous observés ?

Victor : Sur la structure du sol c’est incroyable. Un truc que je n’avais jamais vu ce sont les petits agrégats ronds et grumeleux. Et aussi une microporosité qu’on n’avait jamais faite avant. Même avec les couverts et le non-labour on n’avait pas cette structure. Avant les prairies, on ne savait pas ce que c'était des racines, je n’ai jamais vu ça. Mon lin 2 ans après prairies est fantastique. Je cultive des terres de voisins pour du lin aussi et je vois la différence ! Là je ne vais pas mettre d’azote pour mes pommes de terre, ça ne m‘était jamais arrivé. L’azote relargué par la prairie c’est super, le seul truc c’est que c’est dur à piloter car on ne maîtrise pas la minéralisation.

Comment l’introduction de prairies temporaire a modifié votre rotation ?

Victor : J’ai deux cultures de vente principales qui sont les piliers économiques de la ferme : le lin et la pomme de terre. En optimisant ces deux cultures, je sécurise mes revenus. Donc je mets le reste de la rotation au service de ces deux cultures et c’est dans cette optique que la prairie temporaire prend une place vraiment importante. Certes je perds des années où je pourrais mettre d’autres cultures de vente à la place, mais ce que je gagnerai ne vient pas compenser l’optimisation du lin et des pommes de terre.

Comment valorisez-vous l’herbe ?

Victor : Mon père a connu la fin de l’élevage bovin lait sur l’exploitation. J’ai donc choisi de remettre de l’élevage sur la ferme pour valoriser l’herbe. Il fallait que l’atelier d’élevage soit viable économiquement et compatible avec l’atelier culture au niveau du travail. Je me suis donc penché sur des systèmes qui maximisaient le pâturage. J’ai d’abord considéré mettre des ovins viande, qui auraient surement été le choix économique le plus judicieux, mais niveau pic de travail ça ne collait pas avec le reste de mon activité. J’ai donc choisi d’introduire un troupeau d’Angus sur la ferme. J’ai aussi plus d’affinité avec ces animaux qu’avec les moutons. J’ai choisi cette race pour sa rusticité et son poids modéré. Ça en fait des animaux très adaptés à l’engraissement à l’herbe car précoces et rustiques.

La montée en compétences ne vous a pas fait peur ?

Victor : Non car j’ai choisi un système relativement simple et je ne suis pas plus bête qu’un autre. En plus je prends du plaisir à travailler avec ces animaux. Bouger les fils pour leur donner de l’herbe fraîche à pâturer c’est un bon moment de ma journée ! Après ce n’est pas toujours facile à vivre, par exemple les vêlages compliqués ne sont vraiment pas marrants.

Y a-t-il des aspects négatifs liés aux prairies temporaires ?

Victor : J’ai un risque de taupin plus élevé pour mes pommes de terre. C’est aussi pour ça que je ne veux pas les laisser plus de deux ans. Et pour mon lin c’est un peu plus complexe de gérer l’azote. Après je crains qu’en faisant pâturer les animaux en mauvaises conditions j’abîme mes sols.

 


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Vous êtes intéressé·e pour introduire des prairies en rotation ? Nous pouvons vous accompagner !

Aussi bien sur la réflexion au niveau de l’adaptation de la rotation qu’au niveau de la valorisation par l’élevage.

→ Pour plus d’informations, n'hésitez pas à contacter Olivier : / 07 82 79 02 40

Nous mettons également à votre disposition notre rapport (PDF) « Pourquoi / Comment : intérêts de la paririe temporaire multi-espèces en rotation » qui répertorie les effets attendus des prairies temporaires en rotation. Ce document est issu d’un travail bibliographique et d’une enquête réalisée auprès de 20 agriculteurs du territoire. Bonne lecture !


 
 

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